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Le Nexus sécurité foncière-souveraineté alimentaire au centre des réflexions du 6e forum national sur le foncier

Publié le 7 décembre 2023

La sixième édition du forum national sur le foncier s’est ouverte ce mardi 05 décembre 2023 à Dakar pour trois jours d’intenses réflexions et de débats autour de la problématique de la gouvernance foncière et ses articulations avec une souveraineté alimentaire durable au Sénégal. La cérémonie d’ouverture du forum a été présidée par le Ministre des finances et du Budget, M. Mamadou Moustapha Ba.
La modération du forum est assurée par l’IPAR qui abrite le secrétariat technique de la plateforme, à travers son directeur exécutif, Dr Cheikh Oumar Bâ

Placée sous le signe du dialogue politique et de l’action, cette 6e édition adresse les enjeux et défis majeurs liés à la gouvernance foncière dans l’optique de contribuer à la souveraineté alimentaire nationale par une optimisation des apports des exploitations familiales et du secteur privé dans le cadre d’une gestion apaisée du foncier.

Présidant la cérémonie d’ouverture, le Ministre des finances et du Budget, M. Mamadou Moustapha Ba, s’est félicité de la tenue de « cette rencontre qui prend tout son sens face aux enjeux cruciaux liés à la gestion du foncier au Sénégal, un sujet à la fois complexe et délicat.
La thématique du forum, le foncier, levier de souveraineté alimentaire, se trouve au cœur des préoccupations du Gouvernement qui œuvre inlassablement à la transformation structurelle de notre économie telle que définie dans l’axe 1 du Plan Sénégal Emergent (PSE), dont le développement des activités agricoles demeure une des priorités majeures
 », a-t-il rappelé.

Le ministre a, par ailleurs, remercié et félicité vivement la Plateforme Nationale de Dialogue sur la Gouvernance Foncière au Sénégal (PNGF) qui a initié ce forum et a assuré de la disponibilité du Gouvernement du Sénégal à accompagner ce cadre multi-acteurs dans son combat quotidien pour le mieux-être des populations notamment féminines et rurales.

Pour finir, le ministre des finances et du budget a exprimé tout son optimisme, quant à l’atteinte des objectifs assignés à la plateforme et au forum, en affirmant que « la sécurisation foncière au service de l’agriculteur et du paysan pour une souveraineté alimentaire est largement à notre portée, au vu de la démarche multi-acteurs adoptée ».

M. Tanor Meissa Dieng, président du Comité de Pilotage de la Plateforme, a saisi l’occasion pour réitérer, au nom de toutes les parties prenantes, la demande pour la mise en place de l’Observatoire National sur le Foncier (ONF), outil indispensable pour une gouvernance inclusive, consensuelle et durable des ressources naturelles vers la souveraineté alimentaire.

La cérémonie a également vu la participation des partenaires techniques et financiers de la plateforme dont la GIZ, représentée par Dr Florian Lang (Chef du projet Seen Suuf) qui a mis en exergue le lien direct entre l’objectif du forum et celui du projet Seen Suuf qui consiste à contribuer à la souveraineté alimentaire par une optimisation des apports des exploitations familiales et du secteur privé dans le cadre d’une gestion apaisé du foncier. « Nous sommes là pour aider les acteurs de la société civile à mettre en œuvre leurs stratégies de sensibilisation et d’encadrement en direction des populations rurales, notamment, le renforcement de capacités des femmes et des populations vulnérables dans un contexte de changement climatique », a-t-il précisé. M. Lang d’ajouter que « le forum est un cadre pour pouvoir renforcer les synergies d’actions entre acteurs. A ce titre, la diversité des participants permet à chacun d’apprendre de l’autre, de développer des stratégies opérationnelles concertées d’intervention  ». La GIZ, à travers lui, a réitéré tout son appui à toute initiative orientée vers l’amélioration de la gouvernance foncière et particulièrement en lien avec l’impact du changement climatique et la prise en compte des besoins et la protection des populations vulnérables, conformément aux principes des directives volontaires sur le régime foncier.

Dans la même veine, M. Moïse Mbimbe Nlom, représentant de la Coalition Internationale pour l’accès à la terre (ILC) s’est réjoui de participer à ce moment majeur de concertation et de dialogue sur le foncier. D’après lui, « ILC est convaincu par le potentiel des approches multi-acteurs pour la réalisation d’une gouvernance foncière centrée sur la population ; ce qui suppose de placer les personnes qui vivent sur et de la terre, au centre du processus décisionnel ». La présence des plateformes locales traduit, selon lui, une volonté de prendre en compte les aspirations des acteurs des territoires et la mise en place d’espaces plus inclusifs permettant à toutes les catégories de parties prenantes que leurs causes soient entendues (femmes, jeunes, agriculteurs, éleveurs, etc.).

M. Robert Gueï GOUANTOUEU, représentant de la FAO, a exprimé ses remerciements au Comité de pilotage de la Plateforme qui est la cheville ouvrière de toute cette intelligence collective autour du foncier, soulignant au passage, le leadership et le rôle-clé joués, au sein de ce comité, par le Ministère de l’agriculture et de l’équipement rural (MAERSA), le CNCR, l’IPAR, Enda PRONAT, CICODEV, etc.

Au nom de la FAO, il s’est réjoui des efforts d’ouverture et de mise à jour de cette dynamique à travers l’intégration de nouveaux acteurs et la prise en compte de nouveaux enjeux tels que la gouvernance de l’eau, la gouvernance des forêts, etc.
La particularité de ce forum, de l’avis de M. GOUANTOUEU, réside dans la redevabilité, à travers le bilan de la mise en œuvre des Directives Volontaires, mais surtout l’espoir d’une dynamique fédératrice dans l’avenir, avec l’intérêt marqué des partenaires au développement qui sont parties intégrantes.
Ce forum est, pour lui, un nouveau moment de dialogue au sein de la plateforme multi-acteurs et en particulier entre le COPIL et les partenaires techniques et financiers.
Il a salué les efforts de coordination et les synergies d’actions sur les questions foncières, à travers le groupe thématique de développement régional sur la sécurité alimentaire. M. GOUANTOUEU a espéré, pour finir, qu’au-delà du renforcement du soutien au dialogue, que le forum va ouvrir la voie vers un suivi évaluation de la gouvernance foncière.

Une conférence inaugurale sur l’articulation souveraineté alimentaire & foncier et la contribution des exploitations familiales et des investisseurs privés

En vue de mettre en exergue l’importance du foncier dans l’atteinte de la souveraineté alimentaire, Dr Ibrahima HATHIE, économiste et chercheur émérite à l’IPAR, a animé la conférence inaugurale du forum sur le Nexus « souveraineté alimentaire et foncier ».
Pour aborder ce Nexus, Dr Hathie a présenté le contexte de la souveraineté alimentaire au Sénégal eà la lumière des variables caractérisant et structurant la demande et l’offre de biens alimentaires. Il a souligné qu’au cours des dernières décennies, le Sénégal a connu de profonds changements dans son régime alimentaire. La croissance rapide de la population, la forte urbanisation, l’augmentation des niveaux de revenus et l’évolution des modes de vie sont les principaux moteurs de l’évolution des modèles alimentaires. Ces mutations sont susceptibles de persister et de s’accentuer posant un défi aux systèmes alimentaires du pays et entravant leur capacité à nourrir de façon adéquate et compétitive la population sénégalaise.

La production agricole est également insuffisante car rudement impactée par le changement/les variabilités climatiques et la dégradation des terres. Les pertes de production sont estimées à 140 milliards de FCFA entre 1990 et 2000 par le gouvernement du Sénégal, ce qui correspond à 4,5% du PIB national.
La communication de Dr Hathie souligne également une forte dépendance aux importations. A noter aussi que ces dernières années, une multitude de crises se sont entremêlées (COVID 19, Guerre russo-ukrainienne, etc.) créant une situation unique d’incertitudes et d’instabilité.

Dr Hathie a ensuite abordé la problématique foncière en lien avec la souveraineté alimentaire précisant que le Sénégal dispose de 3,8 millions d’hectares de terres arables (19% du territoire national). Toutefois, trois défis majeurs pourraient compromettre la capacité du foncier à soutenir la réalisation de la souveraineté alimentaire : la dégradation des terres, la compétition des usages et la gouvernance inclusive. La prise en charge de ces défis est nécessaire si le Sénégal veut réussir à atteindre ses objectifs de souveraineté alimentaire, a-t-il martelé.

La conférence a débouché sur un questionnement central sur « notre capacité à nourrir le Sénégal à l’horizon 2050 », dans un contexte aussi particulier. De l’avis de Dr Hathie, deux éléments fondamentaux sont nécessaires pour répondre à cette question :

  • Adopter une approche systémique et holistique pour pouvoir prendre en charge la complexité des différents phénomènes en jeu ;
  • Transformer nos systèmes alimentaires afin qu’ils soient résilients et durables (mise à l’échelle des bonne pratiques et innovations agricoles, transition agroécologique, industrialisation de l’agriculture, transformation des produits agricoles, diversification des régimes alimentaires, etc.).