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La FAO et l’IPAR appuient la promotion de l’investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires au Sénégal

Publié le 26 avril 2023

Dans un contexte de crises géopolitiques, sanitaires et économiques récurrentes à travers le monde, la promotion de l’investissement responsable dans le secteur agricole et les systèmes alimentaires pourrait constituer un sérieux palliatif contre la progression de la faim et de la pauvreté. C’est pourquoi, depuis quelques années, la FAO fait de l’investissement responsable dans le secteur agricole un véritable enjeu de développement.

Elle a, en effet, élaboré un programme cadre qui s’articule principalement autour d’activités de sensibilisation, de renforcement des capacités et d’appui à l’application des instruments d’orientation internationaux tels que les Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires (Principes CSA-IRA), les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers et le Guide OCDE-FAO pour des filières agricoles responsables. Ce programme a pour objectif de renforcer les investissements responsables dans l’agriculture et les systèmes alimentaires, dans les pays cibles dont le Sénégal, tels que consacrés dans les objectifs de développement durable.

En vue de procéder à une évaluation initiale d’une proposition de projet d’investissement afin de mesurer : (i) son alignement avec des principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires ; et (ii) la crédibilité et la faisabilité, la FAO et le Centre Columbia sur l’investissement durable (CCSI) ont conjointement développé un outil de screening ex-ante des projets d’investissement à l’intention des agences de promotion des investissements des pays cibles.

Le Sénégal a été sélectionné pour la phase-test de cet outil et l’IPAR a signé un protocole d’accord avec la FAO pour appuyer ce processus. L’idée est de concevoir un outil à la fois efficace, pratique à utiliser et qui s’attaque aux principaux obstacles auxquels les agents publics sont confrontés lorsqu’ils analysent des propositions d’investissement agricoles. L’IPAR est chargée de passer en revue le premier rapport proposé sur le Sénégal (Phase-test). Elle est mandatée pour identifier les lacunes en matière d’informations à compléter à travers des entretiens supplémentaires auprès des acteurs clés impliqués dans les procédures d’approbation et de mise en œuvre des investissements agricoles au Sénégal.
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’atelier de réflexion sur la « promotion de l’investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires et le renforcement des critères de screening », organisé du 25 au 27 avril 2027, à l’initiative de la FAO et de l’IPAR.

L’objectif poursuivi par l’atelier est de contribuer au renforcement et à l’amélioration de l’écosystème de l’investissement agricole responsable au Sénégal à travers une analyse et une réflexion participative relative au cadre juridique et institutionnel réglementant les investissements agricoles à la lumière des principes CSA-IRA et de l’outil screening.

Plus spécifiquement, il s’agit de :

  • Partager les principes CSA-IRA et l’outil screening ;
  • Echanger sur le processus d’approbation des projets d’investissements agricoles ;
  • Analyser la réglementation sénégalaise relative aux investissements agricoles notamment le niveau d’effectivité et les limites ;
    -  Identifier les options d’appropriation des Principes du CSA-IRA et les conditions de l’application de l’outil de screening dans le contexte sénégalais.

Promouvoir l’investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires pour une souveraineté alimentaire durable au Sénégal
L’investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires repose sur 10 principes fondamentaux. (1) Ils ont pour finalité la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages et, au-delà, la souveraineté alimentaire. (2) Ils visent également le développement économique durable et inclusif (3) et sont centrés sur la promotion de l’égalité hommes-femmes, (4) l’autonomisation de la jeunesse, (5) le respect des droits fonciers (terres et eau) de tous, y compris les femmes et les jeunes. (6) L’investissement responsable promeut, par ailleurs, l’utilisation durable des ressources naturelles et, (7) s’appuie sur les savoirs locaux (héritage culturel et diversité). (8) Il intègre la question de la sécurité sanitaire à travers l’application de standards et normes sanitaires et d’hygiène dans les chaines de valeur, pour des produits nutritifs qui impactent positivement la santé des consommateurs. (9) Pour finir, une gouvernance inclusive et (10) une évaluation des impacts sont nécessaires.
A la lumière de ces principes, les acteurs clés impliqués dans le processus au Sénégal (Société civile, l’Etat, les collectivités territoriales, les OP, les médias, etc.,) vont saisir l’occasion de cet atelier de Saly pour échanger et réfléchir sur les défis, les enjeux et les moyens de renforcer le niveau des investissements dans l’agriculture, d’intéresser certains acteurs tels que ceux du privé, et transformer les systèmes alimentaires pour les mettre au service de la souveraineté alimentaire au Sénégal.

A l’ouverture de l’atelier, Yannick Fiedler, chargé du renforcement de capacités dans la thématique « investissement agricole responsable » de la « Division Partenariat et Collaboration  » du Système des Nations Unies et représentant de la FAO, a soutenu que « la transformation des systèmes alimentaires reste un défi crucial pour le développement durable, la sécurité alimentaire et la création d’emplois pour les jeunes, en Afrique, notamment, dans le contexte de récentes crises géopolitiques, sanitaires et économiques  ». Pour étayer son propos, M. Fiedler informe qu’à cause de la COVID 19 « près de 100 millions de travailleurs supplémentaires et leurs ménages se sont retrouvés sous le seuil de pauvreté » en Afrique, tandis que 248 millions de personnes sont confrontées à la sous-alimentation dans le continent » (FAO 2020). A cela il ajoute, que « le PIB de l’Afrique est en baisse de plus de 2%, du fait des effets combinés de la crise russo-ukrainienne, du changement climatique, de l’épuisement des ressources naturelles, etc. ». M. Fiedler préconise un « changement de paradigme pour produire plus avec moins ».

Pour M. Alassane Seck, Responsable des politiques agricoles et du renforcement des capacités à IPAR, «  l’investissements responsable dans l’agriculture constitue un des piliers de la souveraineté alimentaire  ». M. Seck d’ajouter, toutefois, « qu’il urge pour tous les pays, y compris le Sénégal, de renforcer leur système de gouvernance pour un investissement agricole responsable  ».

Intervenant au nom du secteur privé à la cérémonie d’ouverture, le Conseiller du président de la chambre de commerce de Dakar, M. Moustapha Ka a insisté sur le rôle crucial que le privé peut jouer dans la souveraineté alimentaire du Sénégal à travers une contribution plus substantielle à l’investissement dans l’agriculture. « Les acteurs du privé ne pourront toutefois s’engager dans cet effort national de promotion de l’investissement agricole responsable que s’ils sont assurés d’un retour d’investissement » a martelé M. Ka, soulignant au passage que « les investisseurs privés ne sont pas des philanthropes  ». D’après lui, il faut une compréhension claire du concept « investissement responsable » et ses principes ne doivent pas être perçus comme des freins à un retour d’investissement. M. Ka pense que « l’investissement public doit être orienté vers la création d’un environnement attractif pour le secteur privé, à travers des investissements structurants dans les territoires, une législation et une réglementation plus souples ». Pour finir, il préconise de « mettre en place des modèles qui prennent en compte l’accès et la sécurité foncière pour les acteurs ».
M. Yves Lamine Ciss, maire de Mont-Rolland, de renchérir en soutenant que « pour assurer la souveraineté alimentaire du Sénégal, c’est sur le monde rural qu’il faut investir  ». Il pense par ailleurs qu’il faut « travailler à rendre plus attractive l’agriculture pour les jeunes et susciter la confiance du privé  ». Pour lui, il faut des investissements lourds pour relancer la production ». C’est pourquoi, il suggère de cesser d’opposer «  agribusiness  » et «  exploitation familiale  », soutenant qu’il faut faire de la place à l’agribusiness (seul capable de porter les investissements lourds) et s’attacher à trouver un équilibre fonctionnel entre l’agriculture industrielle et les exploitation familiales, toutes deux indispensables pour une souveraineté alimentaire durable au Sénégal.

Fidèle à son rôle de veille pour des politiques publiques toujours en adéquation avec les aspirations des populations et avec les impératifs du développement, la société civile a également partagé, lors de la première journée de cette rencontre, ses questionnements sur la problématique de l’investissement dans l’agriculture et les systèmes alimentaires. M. Ardo Sow, chargé du plaidoyer à ENDA PRONAT et représentant de la société civile, a pointé un certain nombre de contradictions en cours au Sénégal, notamment, « la question de l’accaparement des terres par les multinationales au détriments des exploitants familiaux, une bonne partie de la production agricole destinée à l’exportation, l’affectation de terres pour la culture d’agrocarburants » au moment où le pays investit des milliards pour importer de la nourrir, etc.  ». M. Sow a également évoqué le problème de l’application des lois, au Sénégal. « Autant de questions à ne pas perdre de vue dans ce processus de promotion de l’investissement responsable », selon M. Sow qui suggère de prendre aussi en compte le « changement climatique », la « croissance démographique  », les « conflits  », les « crises sanitaires » (Covid 19), etc., qui pourraient éventuellement impacter négativement les efforts pour une agriculture plus productive et porteuse de croissance économique durable. Pour finir, il espère que l’atelier permettra de « trouver des solutions adaptées aux déficits de formation, d’accès aux financements pour les exploitations familiales  ».

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