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Analyse des déterminants socio-culturels, économiques Et environnementaux de l’assainissement (en particulier de la gestion des boues de vidange et leurs influences sur les politiques d’assainissement au Bénin)

Publié le 27 juillet 2022

Sur la base du Mémorandum d’entente entre l’Initiative Prospective Agricole Rurale et le Laboratoire d’Analyse Régional et d’Expertise Sociale (IPAR-LARES) du 24 septembre 2021, portant sur le projet de recherche « West African Sanitation Policy & Activators » (WASPA), un contrat a été signé avec le LARES pour la conduite de deux études de recherches au Bénin.

Il s’agit de :
(i) l’évaluation de la politique d’assainissement au Bénin. Cette étude achevée a été validée en juin 2022. Les objectifs alors visés ont été atteints ;
(ii) l’analyse des déterminants socio-culturels, économiques et environnementaux de l’assainissement, notamment la gestion des boues de vidange et leurs influences sur les politiques d’assainissement. Tenant compte des résultats de la première étude, une méthodologie jugée appropriée a été élaborée pour la deuxième et présente étude.

Méthodologie
La méthodologie adoptée s’appuie sur la collecte des données qualitatives et quantitatives qui sont recueillies auprès de sources primaires (ménages, maraîchers, Mairies, Ministères sectoriels, ONG et vidangeurs) et secondaires (centres de documentation). A cet effet, les techniques d’échantillonnage de choix raisonné, aléatoire simple et d’effet boule de neige ont été appliquées pour déterminer chacune des cibles.
L’opération de collecte de données auprès de différentes catégories d’acteurs avec des outils spécifiques a été menée au cours du mois d’août 2022 sur tout le territoire national, prenant ainsi en compte l’ensemble des 12 départements du Bénin et en particulier les zones urbaines et péri-urbaines. Les données quantitatives ont été collectées à l’aide de tablettes
électroniques et les entretiens ont été déroulés sur la base des grilles et des enregistreurs.

A l’issue des opérations de collecte, sept cent cinquante et neuf (759) ménages ordinaires, soixante et un (61) ménages collectifs, cent quarante-huit (148) maraîchers, vingt-deux (22) vidangeurs ont été interviewés. De même, vingt (20) entretiens ont été réalisés à l’endroit des agents des municipalités et six (06) au niveau des ONG avec les informateurs clés.
Après l’apurement des bases de données, une analyse, principalement descriptive, reprenant les différentes variables clés collectées et les tests d’indépendances ont été faits. Des modèles de régression logistique multivariée ont été développés au niveau des questionnaires ménages afin d’identifier les déterminants de la gestion des boues de vidange et de la possession de latrines.

Après la retranscription des entretiens et focus groups, les données ont été analysées selon les techniques de l’analyse par récurrence.

Principaux résultats

  • Il ressort des analyses des données collectées que 74,7% des ménages disposent de latrines en leur sein contre 25,3% qui n’en disposent pas avec d’importantes disparités selon les zones géographiques.
  • Les facteurs qui influencent la motivation des ménages à posséder de latrines fonctionnelles sont liés, entre autres, au bien-être et au prestige qui se traduisent respectivement par la sécurité sanitaire et leur fierté en cas de passage d’un étranger dans le ménage.
  • Sur l’ensemble de l’échantillon des ménages enquêtés, environ deux (02) ménages sur dix, soit 17,8% des ménages enquêtés, défèquent à l’air libre. Le milieu urbain n’échappe pas à cette situation. Toutefois, 83,94% de ménages ne disposant pas de latrines évoquent le manque de moyens financiers comme principale raison de l’absence de cette infrastructure.
    Il résulte de l’analyse des données que les ménages des milieux péri-urbains ont beaucoup moins de chance d’avoir des latrines que ceux des milieux urbains. Le lien entre le fait d’avoir des latrines et le statut économique est très important et significatif. Les ménages appartenant à la catégorie intermédiaire ont 4,31 fois plus de chance d’avoir des latrines que les ménages pauvres.
  • La gestion des boues de vidange n’est ni liée au milieu de résidence, ni à la principale occupation du chef de ménage. Par ailleurs, cette pratique est beaucoup plus liée au niveau d’éducation et au statut économique du ménage.
  • Les chefs de ménages qui ont le niveau secondaire ont 4,39 fois plus de chance de
  • vidanger les fosses une fois la latrine est pleine que les ménages dont les chefs ont le niveau primaire ou aucun (non instruit). Les chefs de ménage ayant atteint le niveau supérieur ont 19,41 fois de chance de faire la vidange de leurs fosses.
  • Les tests d’indépendance réalisés entre le mode d’évacuation des boues et les paramètres qui caractérisent la vidange des boues dans les ménages montrent que le niveau d’instruction ou le statut économique du ménage n’influençaient pas (Pvalue > 0,05) le choix du mode de vidange qu’il soit manuel (27,7%) ou mécanique (72,3%).
  • Le prix moyen de la vidange manuelle s’élève à 28 393 FCFA et celui de la vidange mécanique est à 39 946 FCFA. Avec cet écart moyen de l’ordre de 11 000 FCFA entre les prix des services de différente qualité, on peut déduire que la plupart des ménages font recours aux services manuels par manque des agents prestataires de services dans le milieu ou par l’inaccessibilité du site par un camion vidangeur.
  • En matière de gestion des boues de vidange, il se pose un problème culturel du fait que déféquer dans les latrines est mal perçu. Des adages tels que « deux trous ne se font pas face » sont utilisés dans les communautés telles que celles de la commune de Kandi pour justifier la non utilisation des latrines.
  • Dans plusieurs communautés, la population ne conçoit pas le fait qu’on puisse encore dépenser de l’argent pour la gestion de tout ce qui peut être appelé déchet y compris les boues de vidange.
  • La texture, la composition des sols, le relief et les conditions climatiques constituent des facteurs non négligeables dans la construction et la durée de vie des latrines.Analyse des déterminants socio-culturels, économiques et environnementaux de l’assainissement (en particulier de la gestion des boues de vidange et leurs influences sur les politiques d’assainissement au Bénin) 11
  • Parmi les ménages ayant accès aux latrines, 19,2% contre 80,8% ont déclaré que les cabines des latrines auxquelles ils ont accès ne sont pas réparties selon les sexes (hommes et femmes). De même, la plupart des latrines ne sont pas construites avec des cabines destinées aux personnes handicapées ou des personnes à mobilité réduite y compris les personnes âgées (4 ménages sur 10).
  • Près de 10 personnes sur dix enquêtées (95,52%) pensent que l’on peut prévenir certaines maladies en construisant des latrines et 70,1% d’entre eux pensent qu’on peut prévenir des maladies telles que le choléra, la diarrhée (63,6%) et diverses autres maladies en construisant et en utilisant des latrines aux normes.
  • Presque la moitié (47,5%) des ménages collectifs enquêtés ne disposent pas des latrines réparties selon les sexes et 61,8% ne tiennent pas compte des subtilités des personnes à mobilité réduite lors des constructions des latrines.
  • Les opérations de vidange et de transport des boues sont assurées par le secteur privé représenté par les sociétés (27,3%) ou établissements (72,7%) prestataires des services de vidange. Les boues sont collectées par ces différentes unités de vidange à l’aide de camions citernes. Parmi ces agences, 27,3% ont déclaré avoir été confrontées au moins une fois à pratiquer de la vidange manuelle compte tenu de l’inaccessibilité de site. En dehors de ces cas avoués, il existe bien des vidangeurs manuels qui opèrent dans la clandestinité comme l’en témoignent 27,7% des ménages qui font recours aux vidangeurs manuels pour la vidange de leurs fosses.
  • Les boues extraites des fosses sont dépotées à la station (59,1%), d’autres déversées dans les champs (31,8%) et dans la nature (9,1%). La proportion élevée des sociétés qui déversent les boues à la station se justifie par le fait que la plupart des agences interviewées (54,5%) sont situées à Cotonou.
  • La majorité (95,5%) des agences enquêtées ont déclaré que les boues sont déversées sans aucun traitement préalable tant au niveau des stations que dans les champs ou ailleurs. Aucune mention d’essais de valorisation des boues de vidange n’est faite par les entreprises interviewées.
  • Environ 1 maraîcher sur 10, soit 8,8% des enquêtés utilisent les boues de vidange. La plupart l’utilisent après traitement sous forme de co-compostage. Les répondants ont aussi notifié le caractère réticent des clients quand ils constatent l’usage des boues de vidange. Car, les clients perçoivent les boues comme un produit malsain et dont on doit complètement se débarrasser.
  • Des actions sont développées de plus en plus par les communes pour réglementer la gestion des boues de vidange. Il s’agit, entre autres, de la prise d’un Arrêté sur la verbalisation du déversement des boues de vidange dans la nature. Les dispositions de cet Arrêté prévoient une amende de 100 000 FCFA pour les entreprises et 20 000 FCFA pour les individus qui déverseraient les boues de vidange dans la nature.
  • Pour l’accompagnement des agents collecteurs, les services techniques des communes en charge de l’assainissement trouvent que les redevances que les vidangeurs doivent payer à la mairie ne sont pas onéreuses. Une nouvelle stratégie est en train d’être mise en place pour l’ouverture d’une ligne verte au profit de la population pour les préoccupations éventuelles. Enfin, un cadre de concertation de tous les acteurs impliqués dans la gestion des boues de vidange est en cours d’installation au niveau de la commune.