Président honoraire du Conseil National de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Mamadou Cissokho perçoit d’un bon œil les gains que l’économie sénégalaise peut tirer des ressources minéralières après l’annonce du président de la République. La bonne gouvernante s’impose avertit Mamadou Cissokho avec la mise en place de mécanismes de transparence pour une distribution
La Gazette : Le Sénégal va peut-être en 2016 faire un recensement agricole et de l’élevage. Ceci devait être fait depuis 2013. Les moyens ont bloqué la démarche. Quelle est votre lecture de la situation ?
Mamadou Cissokho : Nous venons de boucler un atelier, et j’ai été agréablement surpris de voir tout le travail technique et politique fait dans ce pays pour être conforme au programme international. J’ai été désagréablement surpris d’entendre que le recensement de l’agriculture et de l’élevage n’a pas été fait parce qu’il y a un montant de 7 milliards de FCFA qui n’est pas décaissé. Je suis presque convaincu que l’information n’est pas arrivée au niveau du ministère de l’Agriculture et de la Primature, parce que ce sont des programmes du PSE. Et comme le PSE a quand même des ressources et que c’est le PSE lui-même qui a mis les statistiques au cœur de son système pour son évaluation, ce dysfonctionnement n’est pas acceptable. Nous allons saisir le ministre de l’Agriculture pour que rapidement, on puisse le faire.
La Gazette : Parlons à présent de l’Observatoire du monde rural que le Sénégal compte mettre en place. Quel est l’utilité d’un tel instrument ?
Mamadou Cissokho : Cet instrument doit servir à mobiliser toutes les informations sur l’agriculture et l’élevage, sur les animaux, sur les personnes, sur les ménages, sur les familles. L’Observatoire va aider les éleveurs et les pasteurs, les agriculteurs et les maraîchers à pouvoir avancer, à pouvoir planifier, à pouvoir investir, et également les collectivités locales à pouvoir bien gérer les ressources naturelles parce que sachant combien de troupeaux, combien de paysans, combien de familles, et aussi à l’Etat dans sa planification familiale globale comme dans le PSE de savoir quelles sont les ressources nécessaires sur dix ans parce que ça se fait sur dix ans. Donc c’est un outil important. Nous, nous trouvons que notre participation dans des structures du genre doit permettre de mieux faire connaître les exploitations familiales qui sont différentes du ménage et que les rôles et les responsabilités peuvent se partager aux services de chacun et de tout le monde et pour nous cela est important ici au niveau des statistiques. Le CNCR travaille déjà sur le suivi des exploitations familiales, mais il n’a pas une vocation de donner une information nationale. Nous espérons cependant qu’il y aura un bon partenariat entre nous et l’Etat pour avancer dans la recherche des voies et moyens de réaliser un PSE qui sera un PSE pour tous les secteurs du développements du Sénégal.
La Gazette : L’agriculture, moteur du développement, c’est ce que Macky Sall a retenu depuis son arrivée au pouvoir. Le Sénégal vient de découvrir des ressources minéralières importantes avec le gaz et le pétrole. Ne craignez-vous pas que ces nouvelles ressources reconfigurent la lecture du président de la République ?
Mamadou Cissokho : Je pense que l’une des limites du développement des pays nouvellement indépendants, ce sont les ressources financières. Il y a eu des très bons plans de développement, de très bons programmes, mais malheureusement nous étions toujours assujettis à la validation des ressources financières. L’existence de pétrole et du gaz vient à point nommé pour le Sénégal, mais évidemment ce qui est généralement partagé dans le monde, c’est que les ressources minières d’importance, sont aussi vecteurs de beaucoup d’inquiétudes. C’est au niveau de la gouvernante et de l’équité pour les recettes publiques que cela pose problème. Ce sont des ressources qui doivent être au service du développement de l’ensemble du pays. Le président de la République dès son arrivée au pouvoir, a mis l’agriculture au cœur de ses préoccupations. Il a présenté le secteur comme programme de relance de l’économie sénégalaise. Une option qui est partagée par une grande majorité de Sénégalais. Le pétrole et le gaz ne peuvent qu’apporter un mieux-être aux populations s’il y a la gouvernante. Il faut un vrai partenariat à ce niveau qui implique l’ensemble des responsables des organisations qui s’occupent de ces secteurs. Si ces différents partenariats sont respectés et dans ce monde d’aujourd’hui, il y a des mécanismes de transparence gérables, à ce moment on peut dire que les ressources minéralières vont booster le développement. Cependant, j’ai l’habitude de dire que le développement, ce n’est pas seulement un volume d’argent et donc il faut qu’on tienne compte que ce n’est pas parce qu’on n’a beaucoup d’argent qu’on est développé. Et, ce n’est pas parce qu’on n’a pas du gaz et du pétrole qu’on est sous-développé. Toute l’équation est là. Le président de la République et son gouvernement doivent anticiper pour travailler sur les mesures de sauvegarde qui sont pour moi des mécanismes de partenariat, des mécanismes de contrôle citoyen, des mécanismes de rendre compte. La répartition éventuelle des ressources devra se faire en priorité vers les zones les plus défavorisées du pays afin de pouvoir se positionner pour une souveraineté alimentaire portée par les productions, les transformations, la distribution des produits de nos valeurs culinaires parce que nous sommes ce que nous mangeons. Il faut anticiper avant même que l’exploitation de ces ressources ne commencent. Il faut qu’on ait finalisé les programmes consensuels de développement durable, des activités agro-sylvo-pastorales, halieutiques et forestières. Nous sommes dans un contexte de changements climatiques. Le Sénégal doit avoir un grand plan de protection, d’aménagement et de renforcement de toutes les forêts classées. Cela fait partie du développement de l’Agriculture. Il faut un programme de nettoyage de tous les bas fonds. Si je parle de ces grands programmes, c’est parce qu’il y aura des milliards de FCFA à engranger avec le gaz et le pétrole. Et ce n’est pas du crédit parce que ce sont des ressources minières qui vont l’amener. En ce moment, on peut être très ambitieux. L’ensablement des bas-fonds est un terrible manque à gagner, d’où la nécessité de les nettoyer. Il faut que toutes les forêts soient reprises, renforcées. Il faudra que l’aquaculture soit généralisée. Enfin, il faut également que toutes les zones rurales soient interconnectées avec leur chef-lieu de département. Pour moi c’est ça le PSE du développement rural.
La Gazette : Certains pays ont choisi de ne pas vivre de la rente du pétrole. C’est le cas du Norvège par exemple. Est-ce que cet exemple peut être illustratif de la démarche que pourrait emprunter le Sénégal ?
Mamadou Cissokho : Je pense que si les ressources pétrolières et du gaz sont au service du développement comme je l’ai dis avec les préalables de la gouvernance, on fait les fondamentaux du développement et également on a assez de ressources financières pour mettre en place des fonds de souveraineté qui seront placés dans les organismes comme la BAD, le BORD, le BIDC, qui financent les pays de la région et également des fonds souverains pour pouvoir comme je l’ai dis par exemple régénérer le parc national Niokolo Koba qui fait une superficie d’un million d’hectares. Si l’Etat y met les moyens d’ici les 20 prochaines années, ce parc deviendra l’un des parcs les plus importants de l’Afrique. L’enjeu, c’est non seulement de la biodiversité très favorable au développement de l’agriculture, c’est du tourisme avec ses impacts sur l’emploi. Les enjeux autours des ressources minéralières sont extrêmement importants dans un pays comme le Sénégal où tout est à faire. C’est pourquoi, il faut empêcher des distributions tous azimuts des ressources financières, parce qu’à ce moment les gens vont dire, on n’a pas besoin de travailler. Il faut faire en sorte que le travail qui est la base de toute vie et de tout développement puisse être au cœur des préoccupations.
La Gazette N°299 – Février 2016
Propos recueillis par Pape Amadou FALL