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Migration féminine africaine vers le Golfe : une étude de l’IPAR met en évidence des vulnérabilités structurelles et propose des orientations stratégiques

L’IPAR, avec l’appui d’OSIWA, a présenté, le 26 novembre 2025, à Dakar, les résultats d’une étude comparative consacrée à la migration féminine africaine vers les pays du Golfe et du Moyen-Orient. Fondée sur une approche mêlant enquêtes qualitatives, analyses juridiques et entretiens menés dans six pays, cette recherche apporte un éclairage inédit sur les vulnérabilités auxquelles les travailleuses domestiques africaines sont confrontées. Elle met également en évidence les limites persistantes des mécanismes de protection et souligne la nécessité d’une action concertée des États pour garantir les droits fondamentaux de ces migrantes.

Une transformation notable des dynamiques migratoires

L’atelier de restitution, ouvert par Dr Laure Tall, Directrice exécutive de l’IPAR, a permis de rappeler que les mobilités féminines connaissent une évolution significative. La féminisation croissante des flux migratoires, combinée à l’exposition accrue des travailleuses domestiques aux risques d’exploitation, confirme l’urgence d’une adaptation des politiques migratoires africaines pour répondre à ces enjeux. Dr Tall a également insisté sur le fait que, malgré l’existence de mécanismes continentaux de protection, leur mise en œuvre reste insuffisante pour prévenir les violations récurrentes des droits humains.

Dans cette perspective, la migration féminine apparaît comme un phénomène en pleine mutation, appelant un renouvellement des analyses et des réponses institutionnelles.

Des vulnérabilités renforcées dans les pays du Golfe

Poursuivant l’examen des réalités migratoires, l’étude montre que les travailleuses originaires d’Éthiopie, du Maroc, de l’Ouganda et du Sénégal évoluent dans des contextes marqués par la précarité juridique et institutionnelle. Le système de kafala, la confiscation des documents d’identité, le non-paiement des salaires et l’absence de liberté de mouvement figurent parmi les principales difficultés rencontrées. Ces contraintes, souvent cumulatives, contribuent à renforcer la vulnérabilité des migrantes et à fragiliser leur dignité ainsi que leur sécurité.

Cette situation met en évidence l’écart important entre les engagements internationaux et la réalité vécue par les travailleuses dans les pays d’accueil.

 Une étude conduite dans six pays aux réalités contrastées

L’analyse comparative menée par l’IPAR s’appuie sur des terrains présentant des dynamiques migratoires distinctes. Cette diversité a permis de documenter des trajectoires, des mécanismes d’intermédiation et des environnements institutionnels variés. La méthodologie employée, fondée sur des entretiens approfondis et des analyses juridiques, a offert une compréhension fine des enjeux migratoires et de leurs implications pour les politiques publiques.

Ainsi, cette étude constitue une contribution majeure à la littérature sur la migration féminine en Afrique, en mettant en lumière des réalités longtemps sous-documentées.

Des cadres juridiques et institutionnels insuffisants

L’étude révèle également que les dispositifs juridiques et institutionnels en vigueur demeurent largement insuffisants pour répondre aux besoins de protection des migrantes. La persistance de pratiques assimilables à l’exploitation sévère, l’inadaptation des législations nationales et la faiblesse des mécanismes de supervision et de régulation ne permettent pas d’assurer une prise en charge efficace. De plus, les moyens diplomatiques mobilisés par les États africains restent limités, ce qui complique la gestion des situations d’abus.

Ces constats soulignent l’importance de renforcer les cadres normatifs et les dispositifs opérationnels afin d’améliorer la gouvernance migratoire.

Témoignages et constats issus des échanges de l’atelier

Les interventions formulées lors de l’atelier ont enrichi l’analyse des constats tirés de l’étude. Les discussions ont mis en évidence l’existence de réseaux de recrutement susceptibles de conduire à des formes d’exploitation, ainsi que la reconnaissance limitée du travail domestique dans les législations du travail. Les participants ont également rappelé que de nombreuses migrantes assument des responsabilités économiques majeures au sein de leurs familles, renforçant la nécessité d’un accompagnement adapté.

Ces échanges ont souligné l’intérêt de traduire les résultats de la recherche en actions concrètes, en stratégies de plaidoyer et en dispositifs d’accompagnement qui tiennent compte des réalités socio-économiques rencontrées par les migrantes.

Orientations stratégiques vers une gouvernance migratoire renforcée

Il apparaît indispensable d’appliquer de manière rigoureuse les instruments régionaux relatifs à la migration et de renforcer les accords avec les pays du Golfe. Le besoin d’encadrer plus strictement les agences privées de placement et d’améliorer l’information et la préparation des candidates à la migration a été souligné. Par ailleurs, un renforcement des capacités des services consulaires et une coopération accrue entre pays d’origine et pays d’accueil apparaissent essentiels.

Ces orientations devraient permettre de contribuer à la construction d’une gouvernance migratoire plus protectrice, fondée sur la prévention des risques et l’accompagnement des migrantes.

Une réalité longtemps invisibilisée et désormais documentée

L’étude menée au Sénégal confirme que les migrantes sont majoritairement jeunes, peu instruites et issues de milieux économiquement vulnérables. Leurs parcours sont marqués par des circuits d’intermédiation opaques et par des conditions de travail précaires. Leur retour, souvent définitif, s’effectue dans un contexte où les dispositifs de réintégration sont encore limités.

Ces données soulignent l’importance d’approfondir la recherche et de mieux adapter les politiques publiques d’accompagnement.

Perspectives issues du panel sur les dynamiques migratoires contemporaines

La réflexion a été prolongée lors d’un panel consacré aux dynamiques contemporaines des migrations internationales. Les participants ont mis en avant le rôle central de l’État dans la protection des migrants, ainsi que l’urgence de combler le vide juridique entourant le placement à l’étranger. Ils ont également insisté sur la nécessité d’accords bilatéraux plus protecteurs et sur le renforcement des consulats et de la coopération régionale. Enfin, l’intérêt du modèle philippin, fondé sur une implication étatique forte dans l’encadrement de la migration, a été souligné comme un exemple à étudier.