Les Journées internationales francophones de l’Agriculture Urbaine (JIFAU) constituent un espace d’échange et de partage entre chercheurs, agriculteurs, décideurs, etc., pour analyser les rôles des agricultures urbaines dans la résilience des villes.
Coorganisées par IPAR Think Tank du 24 au 28 novembre 2025 à Dakar (Sénégal), les 4èmes JIFAU ont adressé plusieurs questions à enjeux liées à l’agriculture urbaine et périurbaine. La session 2, animée par Pr Haissam Jijakli, Directeur du Centre de Recherche en Agriculture urbaine, directeur du Laboratoire de Phytopathologie Intégrée et Urbaine et Coordinateur de la plateforme WASABI (Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège, Belgique) et Dr Sidy Tounkara (chercheur à IPAR) a abordé la quantité et la qualité des ressources mobilisées par les agricultures urbaines (eau, énergie, sols, biomasse, intrants organiques) et les stratégies permettant d’en optimiser l’usage tout en réduisant les dépendances externes.
Plusieurs expériences et innovations issues de différents contextes francophones (Afrique, Europe) ont été partagées mettant en exergue la diversité des approches proposées pour renforcer la circularité urbaine et réduire l’empreinte écologique des villes grâce à une agriculture urbaine résiliente, sobre et intelligente dans sa gestion des flux.
La valorisation des déchets organiques, un levier de durabilité pour les ressources
Une première communication a rapporté les résultats d’une étude ayant pour cadre Yaoundé (capitale politique du Cameroun), une ville qui fait aujourd’hui face à une urbanisation rapide et non maîtrisée, entrainant une pression croissante sur les ressources naturelles et les infrastructures de base. Un autre corollaire de cette urbanisation galopante est la production de quantités importantes de déchets, pour la plupart d’origine ménagère. En effet, l’urbanisation rapide en Afrique subsaharienne s’accompagne d’une production croissante de déchets organiques, à la fois résidus à gérer et ressources potentielles pour l’agriculture urbaine qui occupe une place importante dans l’activité économique de Yaoundé. Elle se développe principalement dans les bas-fonds, les zones marginales et les terrains en attente de construction. L’activité agricole se nourrit principalement de la vie chère avec l’inflation des prix des denrées alimentaires poussant les populations les plus déminues à se lancer dans des activités alternatives. L’étude analyse le compromis entre ressource et agriculture urbaine et périurbaine en questionnant les processus d’aménagement de la ville de Yaoundé, qui n’intègre ni la valorisation des ressources, ni l’agriculture urbaine. L’étude recommande des réponses structurelles, intégrées et écologiquement responsables, avec un compromis juste entre valorisation des ressources et l’agriculture urbaine et périurbaine. Des filières d’agriculture biologiques se développent à Yaoundé avec utilisation du compost mais le rythme de leur développement est encore faible.
Les relations fonctionnelles entre ville et agriculture à Brazzaville (Congo), à travers les circulations de matières organiques (déchets alimentaires et verts, fumiers, résidus de bois, etc.) pour soutenir une production durable, ont également été interrogées au cours de cette session. Un modèle de gestion des déchets organiques a vu le jour, entretenu par des acteurs organisés et travaillant en toute synergie (récupérateur·ices, maraîcher·es ou éleveur·ses).
Les pratiques maraîchères révèlent des filières marchandes et non marchandes fondées sur des arrangements socio-territoriaux qui évoluent selon des variables spatiales, économiques, logistiques ou symboliques.
La bioponie, une alternative prometteuse dans un contexte de dégradation et de baisse de la productivité des sols
La bioponieest une méthode de culture hors-sol qui utilise des engrais organiques plutôt que des engrais chimiques pour nourrir les plantes. Elle pourrait être une alternative sérieuse pour les producteurs agricoles de Lubumbashi (RDC), où les sols des zones maraîchères sont devenus impropres à la culture de nombreuses espèces végétales et entrainant un déficit de légumes de 57% en 2010. Avec la croissance démographique il y a fort à parier que ce gap se creuse. A cela il faut ajouter les teneurs en minéraux lourd (cobalt, cadmium, cuivre, plomb) qui sont souvent élevées dans les légumes (transfert des métaux du sol vers les plantes). Un des avantages de la bioponie est effectivement le fait qu’elle aide à réduire drastiquement les teneurs en métaux lourds (les plantes n’ont pas de contact avec le sol). De plus, elle favorise une productivité est forte. Elle permet une production dans des espaces réduits (utilisation optimisée de l’espace et des intrants), une économie d’eau, etc.
Une expérience développée dans la ville teste la mise en œuvre d’une nouvelle technique bioponique de production de laitue alimentée par un engrais liquide produit à partir de fientes de poules. Il existe des entreprises d’élevage qui produisent de la fiente de poule en quantité importante pour répondre à demande. La production est toutefois accaparée par quelques producteurs. Il est ainsi recommandé de tester d’autres types de matières organiques végétales dans la bioponie, de former les producteurs dans les techniques de production hors-sol et de créer un centre de contrôle qualité des produits au sein de l’Université de Lubumbashi. Il est aussi suggéré d’utiliser des auxiliaires comme la « mouche soldat noire » pour décontaminer la matière organique et la débarrasser des éléments nocifs.
La gestion fine des équilibres nutritifs reste un défi à la stabilité et la productivité de ce système. Les coûts d’investissement, de fonctionnement et de maintenance du système restent élevés.
Les systèmes d’élevage en milieu urbain : Un potentiel économique important en dépit des contraintes
L’élevage occupe une place importante dans l’activité économique des villes d’Afrique malgré la disparition/diminution des zones de pâturage périurbaines. Dans le district autonome d’Abidjan (Côte d’Ivoire) comme dans la ville de Ziguinchor (Sénégal), la croissance démographique a accentué la demande en viande et produits laitiers et dérivés.
Dans ces deux localités, l’élevage urbain est un enjeu important dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Il paye cependant les frais de la pression foncière qui pourrait, à terme, remettre en cause son potentiel productif.
La session a permis de présenter cinq formes d’innovation – agronomique, économique, environnementale, sociale et territoriale – illustrant chacune une façon spécifique d’organiser et de valoriser les ressources. Ces innovations sont tirées d’un catalogue consignant plus d’une centaine d’initiatives européennes avec des modes de gestion des ressources diversifiés (valorisation des biodéchets urbains comme substrat de culture, conception de serre comme système métabolique intégré, optimisation des flux d’eau, d’énergie et de nutriments dans une logique de boucles fermées, etc.)
Ces initiatives montrent que la gestion des ressources en agriculture urbaine s’appuie sur des approches complémentaires – circulaires, techniques et collectives – qui contribuent à l’efficience, la durabilité et la résilience des systèmes urbains.





