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Subventions des intrants agricoles au Sénégal : Controverses et Réalités

Subventions des intrants agricoles au Sénégal : Controverses et Réalités

Rapport annuel sur l’état de l’agriculture et du monde rural au Sénégal

IPAR a décidé de lancer l’élaboration annuel d’un rapport sur l’état de l’agriculture et du monde rural au Sénégal. La première édition porte sur la question des subventions agricoles au Sénégal, avec un focus sur les principales orientations stratégiques, les contraintes, les réussites et les échecs. Il s’appuie sur l’étude « Traçabilité et impact des subventions agricoles » conduite par l’Initiative Prospective Agricole et Rural (IPAR) en 2015. Les subventions agricoles sont au cœur du débat sur l’efficacité des politiques agricoles. L’objectif visé n’est pas de prendre position pour ou contre les subventions, mais plutôt de cerner leur impact sur les performances des petites exploitations agricoles qui constituent la principale composante de l’agriculture Sénégalaise et de contribuer à éclairer la prise de décision par les pouvoirs publics.

L’agriculture Sénégalaise a été depuis la période coloniale subventionnée et elle continue de recevoir un soutien important de la part des politiques publiques. Les subventions sont orientées en priorité vers les semences, les engrais et le matériel agricole. Les principales limites dans la politique de subvention des intrants agricoles portent sur : i) les modalités d’accès et de distribution, ii) les coûts élevés, iii) le manque de transparence du système à tous les niveaux, iv) la qualité souvent médiocre et le trafic vers les pays limitrophes. La distribution des intrants est disproportionnée, les grands exploitants cultivant les superficies les plus importantes reçoivent la plus grande part de la subvention tandis que la majorité des petits agriculteurs reçoivent de petites quantités. Les agriculteurs possédant plus de 5 hectares et représentant 53, 1% des ménages agricoles, bénéficient de près de 62,7% des intrants subventionnés.

La répartition des intrants subventionnés selon le type de culture est plus en faveur des cultures de rente comme l’arachide et le maraîchage que des cultures céréalières. Les subventions sont ainsi captées par les grands exploitants agricoles au détriment des petits producteurs pauvres. Les subventions aux semences et à l’engrais ont contribué en partie à améliorer la productivité agricole au Sénégal mais cette performance est encore très limitée. Le faible effet des semences sur la production agricole est dû à leur qualité médiocre. Les semences « tout venant » constituent la plus grande partie des semences distribuées aux agriculteurs. En ce qui concerne l’engrais, le faible impact s’explique par plusieurs facteurs dont l’accès difficile du fait des difficultés de trésorerie des producteurs au moment de la distribution des engrais. De plus, les difficultés d’évaluer l’effet de l’engrais sur le rendement n’incitent pas le producteur à acheter suffisamment et au bon moment.. Les politiques de subventions agricoles devraient ainsi être mieux ciblées pour un impact plus important sur la production des exploitations agricoles les plus pauvres.

Le système de distribution des intrants subventionnés n’est pas transparent. En effet, les modalités de choix des opérateurs bénéficiaires de notification ne sont pas toujours clairement affichées ; d’autre part, la liste des bénéficiaires appelés « gros producteurs » est composée de responsables politiques, de marabouts et hauts fonctionnaires. Pour certains de ces bénéficiaires, les dotations ne sont pas forcément destinées aux champs.Le trafic d’intrants subventionnés vers les pays limitrophes contribue également à une déperdition des ressources publiques. L’absence d’un système d’information et la difficulté de retracer la trajectoire des intrants distribués compliquent la limitation des fuites constatées vers les pays voisins ainsi que la transparence. La mise en place d’un système d’information et de traçabilité contribuerait à améliorer la transparence et à optimiser l’efficacité des importantes ressources publiques consacrées aux subventions.

Les instruments et approches utilisés par les pouvoirs publics pour la mise à disposition des subventions agricoles devraient être revisités du point de vue de leurs objectifs et cibles. Les politiques de subventions doivent s’inscrire dans un cadre plus global de stratégies alliant les objectifs d’amélioration de la productivité et de la compétitivité du secteur agricole à la réduction de risques pour les petits agriculteurs pauvres.