A l’image de la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, le Sénégal traverse des transformations politiques, économiques et sociales importantes qui affectent particulièrement les jeunes. Cette tranche de la population fait face à des défis persistants. Le chômage et l’exclusion sociale constituent, entre autres, le lot quotidien de cette jeunesse dans un contexte marqué notamment par les transitions démographiques, climatiques et numériques exacerbant leur malaise et leur incertitude par rapport à l’avenir.
Afin d’apaiser les maux auxquels fait face la jeunesse de la sous-région, la CEDEAO a initié les Assises de la Jeunesse dans quatre (4) pays pilotes (Sénégal, Côte-d’Ivoire, Ghana et Bénin). La coordination des Assises de la jeunesse de la CEDEAO a été confiée à IPAR Think Tank.
Ce processus implique l’organisation, dans chaque pays cible, de consultations publiques, de webinaires et autres initiatives de mobilisations et d’échanges avec les jeunes âgé(e)s de 15 à 35 ans, afin de les écouter, de comprendre leurs préoccupations, d’enrichir la réflexion et co-construire des solutions adaptées à leurs besoins. En donnant la parole aux jeunes, l’objectif poursuivi est leur participation active à l’élaboration des politiques publiques qui les concernent.
Le forum national de la jeunesse du Sénégal, organisé du 26 au 27 novembre 2024 à Dakar, s’inscrit dans le cadre de ce processus. Il a réuni plus de 150 jeunes venus des 14 régions du Sénégal. L’ouverture a été présidée par Madame Khady Diène Gaye ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture en présence de Mme Fatou Sarr Sow, commissaire au développement humain et aux affaires sociales de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
L’employabilité des jeunes et la question de la migration », au cœur des réflexions du forum
La deuxième journée du forum a été marquée par une série de panels qui ont abordé différentes questions liées à la jeunesse. Deux de ces panels étaient axés sur les thèmes : « système éducatif et insertion socioprofessionnelle des jeunes : quelles réformes pour renforcer l’employabilité des jeunes ? » et « Jeunesse et migration : enjeux et défis de la migration dans l’inclusion socio-économique des jeunes ».
Le premier panel a permis de passer en revue les réformes liées à l’employabilité au Sénégal. Les panélistes ont déploré un curriculum de formation désuet et non conforme aux réalités actuelles proposant dans ce sens une révision de ce curriculum afin de l’adapter au maché du travail. Il suggère un état des lieux du système éducatif qui reste classique et plaident pour un accompagnement des jeunes porteurs de projets. Par ailleurs, « une insertion du module entreprenariat et un appui aux bacheliers dans leurs orientations » seraient d’une plus-value importante, selon eux. Ils ajoutent à leurs propositions, « la création de filières professionnalisantes qui répondent aux besoins du marché ainsi que des métiers adaptés à chaque région, en donnant l’exemple des ISEP », une diversification des formations en visant les domaines techniques, mais surtout une protection de l’Etat envers les femmes entrepreneures (protection contre les abus) ».
Les échanges ont permis aux participants de partager d’autres idées notamment l’accès à l’information des jeunes. Du côté de l’Etat, il est attendu une accentuation de la communication et de l’information ainsi qu’une révision du système d’orientation et l’inclusion des personnes vivant avec un handicap dans le système éducatif.
Les jeunes ont, en outre, déploré une rupture de confiance entre l’Etat et les institutions mises en place pour lutter contre le chômage ainsi que les institutions locales. Ils estiment que le capital humain doit être placé au cœur des politiques publiques et qu’une réconciliation des jeunes avec leurs terroirs est nécessaire en plus d’une territorialisation des formations et une digitalisation renforcée.
Le panel sur l’employabilité des jeunes, modéré par Mme Della Koutcho, spécialiste de l’éducation et l’emploi, a regroupé M. Djibril Wélé co-fondateur de l’établissement Esem Afrique, Fatou Kiné Cissé, entrepreneure dans le BTP et dans les services de la défense et cheffe d’entreprise (Tahar Project), Jean Luc Gomis, de la Direction de l’Emploi et Coordonnateur Mission Locale pour l’Emploi et l’Entrepreneuriat de THIES et Mr Mamadou Dramé, Professeur titulaire à la FASTEF.
Centré sur les enjeux et défis de la migration, le deuxième panel a permis de revenir sur les politiques publiques mondiales et les cadres réglementaires qui régissent la migration notamment les agendas 2030 des Nations Unies et 2063 de l’Union Africaine où les Etats sont encouragés à se doter de politiques migratoires. Il a été souligné qu’au niveau de la CEDEAO, un protocole a été signé pour la libre circulation des personnes dans les pays membres avec une panoplie de mesures règlementaires visant à encadrer la mobilité des populations.
Un des panélistes, psychologue, Mr Ousmane Ndiaye (panéliste) considère la migration comme un projet familiale où dans la plupart des cas un discours venant de la famille est tenu aux jeunes devenant une charge mentale. Il plaide pour une prise en charge socio-économique pour aider ceux qui veulent partir dans les meilleures conditions et pour une communication accrue avec les jeunes pour une prise de conscience. Le psychologue demande à l’Etat de mettre en place des actions ou mécanismes pour que la migration puisse rester une option et non une alternative. Selon lui, les autorités doivent récupérer les ressources et industrialiser le pays afin d’éviter le chômage massif des jeunes.
Migrant de retour, Mame Cheikh Kane a partagé diverses causes qui poussent les jeunes à migrer surtout de façon irrégulière. Devenu jeune entrepreneur à Touba, il dénonce l’arnaque au niveau des ambassades, les coûts exorbitants des visas souvent refusés ; le manque de soutien de l’Etat, la faiblesse de la monnaie CFA au détriment des monnaies étrangères telles que l’Euro, la vie chère, le coût des matières premières, le manque d’appui aux migrants de retour, entre autres. Tous ces facteurs, d’après lui, favorisent le départ des jeunes vers d’autres horizons indiquant qu’il faut des projets concrets pour permettre aux jeunes de rester au pays.
Ce deuxième panel est modéré par Dr Ndèye Coumba Diouf experte en migration à IPAR Think Tank a réuni M. Moussa Diallo, Journaliste Spécialiste en migration, Mame Cheikh Kane Migrant de retour et jeune entrepreneur à Touba, Fatou Khouma Chargée de communication et de plaidoyer au Consortium Jeunesse Sénégal et le professeur Ousmane Ndiaye, psychologue.