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lesoleil.sn - Dossier : Horticulture, des stocks d’une valeur de 9,1 milliards de F Cfa en souffrance

Publié le 3 mai 2020

Le sous-secteur de l’horticulture fait face à un problème de mise en marché dû à la pandémie de Covid-19. Du coup, d’importants stocks de légumes sont en souffrance dans les centres de groupage et des plateformes de commercialisation, selon la Direction de l’horticulture.

L’alerte est de la Direction de l’horticulture. Des quantités importantes de légumes d’une valeur totale de 9,3 milliards de FCfa peinent à être écoulées sur le marché à cause des restrictions occasionnées par la pandémie de coronavirus. Ces stocks dorment dans les centres de groupage et des plateformes de commercialisation. À la date du 23 avril 2020, 36 404 tonnes d’oignons d’une valeur de 8,1 milliards de FCfa, 4155 tonnes de pommes de terre d’une valeur d’un peu plus d’un milliard de FCfa, 550 tonnes de choux équivalant à 82,5 millions de FCfa et 255 tonnes de carottes d’une valeur de 38 millions de FCfa attendent acquéreurs, d’après Macoumba Diouf, directeur de l’Horticulture.

Pour trouver une solution à ce problème de mise en marché, des exploitants de la zone des Niayes et de la vallée du fleuve ont suggéré au Gouvernement d’acheter ces légumes et de les mettre dans l’aide alimentaire distribuée aux populations dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale (Pres). Une proposition que partage le directeur de l’Horticulture. « Une telle mesure permettrait de procurer des revenus aux horticulteurs, de payer les crédits contractés auprès des établissements financiers et de conduire une bonne campagne horticole de contre-saison chaude pour d’autres productions avant et pendant l’hivernage », explique-t-il.

Au regard de ces chiffres, M. Diouf estime que l’horticulture est actuellement le seul sous-secteur de l’agriculture affecté par le Covid-19. Cette maladie s’est déclarée au Sénégal au moment où la production horticole a atteint un pic. Bien que les transports de marchandises ne soient pas concernés par les restrictions de voyages interurbains, il n’en demeure pas moins que l’acheminement des produits des Niayes ou de la vallée du fleuve vers certaines localités souffre de quelques écueils. « Pour aller à Kédougou ou à Tambacounda, c’est la croix et la bannière parce que les conducteurs voyagent, en général, la nuit sur les longues distances. Il y a beaucoup de contraintes de mobilité. Et comme ce sont des denrées périssables, un problème se pose », indique le directeur de l’Horticulture. Deuxième facteur qui explique la mévente des produits agricoles : l’interdiction des regroupements et des rencontres publiques comme les évènements religieux (gamou, ziarra) et les cérémonies familiales (baptême, mariage). Ces rencontres étaient des occasions d’écouler les produits horticoles. À cela s’ajoute la fermeture de certains marchés à certaines heures de la journée.

EXPORTATIONS HORTICOLES

Les légumes et fruits ont apporté 77 milliards de FCfa en 2019

L’horticulture est considérée comme le sous-secteur leader de l’agriculture au regard de sa contribution par les économies de devises, l’import-substitution (approvisionnement du marché national par les productions locales) et les rentrées de devises à partir des exportations, mais aussi par son énorme potentiel pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle du Sénégal. Par exemple, en 2019, les exportations de légumes et fruits ont rapporté au pays 77 milliards de FCfa. Entre 2012 et 2019, les exportations sont passées de 56 000 tonnes à 107 818 tonnes.

Durant cette même période, la production de légumes et de fruits est passée de 905 000 tonnes à 1 624 000 tonnes avec une couverture des besoins de 9 mois pour la pomme de terre, 8 mois pour l’oignon et 5 mois pour la carotte. Selon le directeur de l’Horticulture, les productions d’oignon (434 000 tonnes en 2019) et de pomme de terre (156 000 tonnes en 2019) dépassent largement les besoins nationaux estimés respectivement à 300 000 tonnes par an et 90 000 tonnes. Cependant, le manque d’infrastructures de conservation (chambres froides) explique, d’une part, les importantes pertes post-récolte (25 à 30 %) et, d’autre part, les importations de ces légumes pendant 3 à 4 mois.

Un secteur qui nourrit son homme

Ces performances font dire à Macoumba Diouf que l’horticulture, qui comprend les cultures maraîchères et fruitières, les culturelles florales ou floriculture, mais aussi les plantes ornementales, est le sous-secteur de l’agriculture sénégalaise qui « se porte le mieux ». Si l’horticulture fleurit (bien qu’étant le parent pauvre de l’agriculture en ce qui concerne le soutien aux exploitants horticoles qui ne représente même pas le 10ième des budgets de campagne destinés aux subventions sur les intrants et non concernée par le soutien en matériels agricoles), c’est parce que le sous-secteur bénéficie d’une attention plus soutenue de la part des pouvoirs publics. Selon son directeur, avant 2012, l’horticulture était « méconnue », presque « inexistante ». Et pour cause : « il n’y avait pas de volonté politique manifeste traduite par des actions en termes de soutien, d’accompagnement, de vision, etc. Chez les acteurs eux-mêmes, c’était une activité pratiquée de manière marginale. La raison est simple : il n’y avait pas de retombées qui pouvaient motiver un grand nombre de producteurs à le faire. Et pourtant, ce n’est pas que le sous-secteur n’était pas compétitif et ne renfermait pas d’opportunités, loin de là. Les caractéristiques qu’on exploite, aujourd’hui, au point de faire de l’horticulture le secteur leader de l’agriculture existaient déjà », explique-t-il.

L’un des caractéristiques de l’horticulture, c’est la productivité. On est à une moyenne de 25 à 30 tonnes par hectare là où l’agriculture pluviale qui occupe une écrasante majorité des agriculteurs sénégalais ne fait presque pas une tonne à l’hectare. L’autre caractéristique, c’est la compétitivité. Les légumes se vendent toujours plus chers et mieux qu’un kilo d’arachide, de mil et de maïs. Troisième caractéristique : l’horticulture est un sous-secteur pourvoyeur d’emplois. « On peut avoir cinq à six actifs sur un hectare pour une campagne. Et quand ils auront commercialisé, chacun y trouvera son compte », souligne M. Diouf. À l’en croire, si on parle d’emplois dans l’agriculture, c’est de l’horticulture qu’il s’agit. « C’est le secteur qui peut absorber une masse importante de jeunes, de femmes, bref, de Sénégalais qui y trouvent leur compte sans que le secteur ne soit saturé. Quel que soit le secteur que vous prenez, industrie, artisanat, etc., très vite, on peut faire le plein d’emplois, mais l’agriculture n’est jamais saturée », ajoute-t-il. À ces trois caractéristiques s’ajoute le fait que les produits horticoles ont, sur le plan nutritionnel, une haute valeur ajoutée.

Estimant que l’horticulture est aussi le sous-secteur de résilience agricole par excellence, le directeur Macoumba Diouf plaide pour l’optimisation de son potentiel au profit de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, de la génération de revenus pour le monde rural, la création massive d’emplois et la consolidation de la part de l’agriculture dans le taux de croissance. « Si on fait cela avant la grande campagne de contre-saison froide, qui va d’octobre 2020 à février 2021, le monde rural sera résilient, les légumes existeront sur le marché et il n’y aura pas de renchérissement des prix. De même, on pourra exporter vers la sous-région », dit-il.

Elh. I. THIAM

Source : lesoleil.sn