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Muriel Saragoussi, Coordinatrice de la Campagne Cultivons de OXFAM au Brésil

Publié le 1er juin 2014

A l’issu de la rencontre régionale sur le thème « Faim Zéro au Brésil : apprentissage croisé pour atteindre l’objectif Faim Zéro en Afrique de l’Ouest », Madame Muriel Saragoussi, Coordinatrice de la Campagne Cultivons de OXFAM au Brésil a répondu à nos questions.

Vous venez de faire un exposé sur la stratégie Faim zéro au Brésil, quelles ont été les principales conditions de la réussite de cette stratégie ?

La principale condition réside dans le fait que la société brésilienne avait déjà un certain nombre d’expériences pilotes qui ont été, à partir d’une volonté politique, mises comme une priorité centrale du gouvernement brésilien. Au moment où la décision a été prise d’en faire une priorité, tous les ministères ont été déployés et il y a eu une coordination centrale, avec comme principe, l’idée du droit, et du droit humain à une alimentation adéquate. Donc tous ont travaillé ensemble ; le gouvernement, tous les ministères, et la société civile. La participation sociale a été au cœur de la politique publique et de la volonté publique.

Pensez vous que les conditions soient réunies en Afrique de l’ouest pour transposer cette stratégie ? Sinon qu’est ce qui manque ? Que proposez-vous comme solution ?

Ce que je connais de l’Afrique de l’ouest c’est ce que j’ai entendu depuis une semaine à travers les différentes présentations qui ont été faites. Cela fait une semaine que je suis à Dakar, je discute avec mes collègues qui travaillent dans la région donc je parle comme une personne qui n’a pas une expérience directe sur l’Afrique de l’ouest. Ce que je constate c’est qu’il existe des politiques et des cadres théoriques pour assurer une réussite d’une stratégie faim zéro. Ce qui manque, c’est la mise en œuvre et cela me parait le point central, les choses n’ont pas encore été mises en œuvre et il manque une participation sociale, une transparence et il faut que cela soit une priorité transversale. La faim n’est pas une question des ministères de l’agriculture, ce n’est pas une question de production d’aliments, c’est plutôt une question d’accès à l’alimentation et de production d’aliments, donc il faut une contribution de toute la société pour accompagner la mise en œuvre de cette stratégie.

Pour le cas du Sénégal, le PM vient d’annoncer l’engagement du gouvernement à mettre en place cette stratégie. Pensez-vous que la seule volonté soit suffisante ?

En plus de la volonté affichée, il faut qu’il mette tous ses ministères à contribution pour que la stratégie soit une réalité sans oublier de prendre la société civile sénégalaise comme partenaire dans cette stratégie. Pour une bonne réussite il faut de la volonté publique, cela est d’ailleurs primordial. Une chose c’est d’annoncer le programme, mais une autre est de le mettre en œuvre, et cela exige le partenariat avec la société civile.

Il n’y a pas de solution magique. Nul n’a le pouvoir de le faire d’une manière magique. Cela ne peut se réaliser que si la politique pensée au niveau supérieur descend vers le bas, au niveau de la société. Et surtout que la société soit une partie prenante. Ce n’est pas une décision d’en haut, c’est une décision d’ensemble au sein de laquelle tout le monde travaille dans ce sens.

Quels sont les autres acteurs à impliquer dans ce processus ?

Sans doute la société civile, les mouvements sociaux, les agriculteurs à travers leurs représentations qu’il faut soutenir et accompagner. Il faut que l’académie des chercheurs s’implique davantage ainsi que le secteur privé. Il faut savoir quels sont les acteurs impliqués, quelle est l’orientation de ce travail ? Si c’est une orientation où les producteurs assurent la totalité de la production ou si c’est une organisation où le secteur privé prédomine. Dans ce dernier cas la durabilité est remise en question parce qu’il suffit que quelqu’un paye un prix un peu plus fort ailleurs pour que toute la dynamique soit faussée. Il faut que le travail se fasse à partir de la société et des producteurs sénégalais.

Il a aussi été question au cours de cette rencontre de l’absence de valorisation des produits locaux. Selon vous qu’est ce qui devrait être fait à ce niveau ?

Il n’y a aucun doute que les produits locaux sont les plus adaptés non seulement à la production mais aussi aux coutumes de la région. Dépendre d’un produit qui vient d’ailleurs c’est toujours dépendre des autres, d’un argent qui doit se gérer à partir d’on ne sait ou. En plus la question culturelle est fondamentale pour que les gens aient une identité qui leur permette réellement de vaincre la faim qui existe dans le monde. Pour que la faim disparaisse il faut que les personnes mangent ce qu’elles aiment manger. Manger ce n’est pas seulement mettre un aliment à l’intérieur mais c’est toute une culture, toute une histoire, toute une vie.

29 avril 2013