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Illustration de stratégies de sécurisation des droits fonciers des femmes dans un contexte d’acquisition des terres à grande échelle au Sénégal

Publié le 14 février 2020

Au Sénégal, l’agriculture constitue une source clé de création de richesses. Elle reste le principal secteur d’occupation : en moyenne 70% de la population active, et près de 20% du PIB , en sus les femmes constituent de plus en plus la part significative de cette main d’œuvre agricole et contribuent significativement à la création de richesse.
Cependant l’année 2008, marquée par une crise alimentaires mondiale, a débouché sur des stratégies de délocalisation de l’agriculture des pays développés vers les pays pauvres où la disponibilité de terres arables n’est pas suivie d’existence de législations protectrices des masses paysannes face à « la ruée des investisseurs aux gros capitaux » .
Eu regard à cette situation, l’Etat du Sénégal a entrepris des réformes foncières et des politiques de développement rural axées sur l’agriculture .
La conjugaison de ces deux facteurs a conduit à une compétition très rude autour de l’acquisition des terres arables.
La ruée des investisseurs publics, privés, nationaux comme étrangers sur les terres économiquement viables a renforcé la vulnérabilité des femmes dans l’accès aux facteurs de production et a renforcé la situation de précarité de ces dernières non présentes dans les instances de prise de décision et réduites au silence par un système patriarcal à la limite misogyne.
Solutionner ces problèmes d’inégalités et d’iniquités de genre dans le domaine foncier est donc à la fois une exigence de développement et de justice sociale.
C’est cette double exigence qui justifie l’existences d’initiatives visant à renforcer les droits d’accès des femmes à la terre et à appuyer la sécurisation de leurs occupations foncières.

I - Contexte

L’acquisition de terres arables à grande échelle (ATGE) dans les pays en développement pour y effectuer de gros investissements dans le but d’une production commerciale ou d’assurer la sécurité alimentaire de pays étrangers, est devenu un phénomène récurrent ces dernières années et a beaucoup impacté sur les droits fonciers des communautés. Beaucoup de termes sont utilisés dans la littérature pour désigner ce phénomène, ainsi peut-on lire des termes comme « acquisitions foncières à grande échelle », « investissements agricoles à emprise foncière », ou « investissements fonciers à grande échelle ».
Ces acquisitions sont faites généralement dans le respect du droit national des pays en développement où elles ont lieu, mais posent plutôt une question de légitimité compte tenu des modalités d’attribution, des effets négatifs qu’elles produisent sur les populations locales, ainsi que des résultats mitigés quant aux opportunités de développement qu’elles peuvent constituer pour les pays de destination.

La définition retenue dans le cadre de cette communication est celle donnée par une organisation de la société civile du Burkina Faso dans le cadre d’une recherche qu’elle a menée sur la question en 2014 . Elle définit l’accaparement des terres comme « un phénomène à travers lequel un tiers acquiert et/ou occupe des terres à des fins d’exploitation agro-industrielle, minière ou spéculative, en violation des droits fondamentaux des communautés locales, les privant ainsi de leurs moyens de subsistance ».
Cette définition se rapproche de celle donnée par Oxfam International, qui soutient que « l’acquisition de terres se transforme en accaparement dès lors qu’elle viole les droits humains, qu’elle se déroule sans consultation des personnes concernées, sans véritable consentement et en secret [ainsi que dans la négligence de ses éventuels impacts sociaux et environnementaux] »
Ce phénomène général contribue au renforcement de la vulnérabilité des droits fonciers des femmes qui étaient déjà compromis par d’importantes lourdeurs sociologiques.

Dans ce contexte, les femmes sont davantage reléguées au second plan en matière d’affectation des terres qui nécessite de plus en plus de moyens financiers qui ne sont pas toujours à la portée des femmes agricultrices.

II- La situation des ATGE au Sénégal

Au Sénégal, le phénomène des ATGE a vraiment pris forme et ampleur avec l’avènement de l’Alternance politique et économique qui a vu la mise en œuvre de réformes profondes dans le secteur agricole depuis 2000.
Selon l’étude d’IPAR de 2011, intitulée « les acquisitions de terres à grande échelle au Sénégal », l’option affirmée et appliquée est orientée vers la promotion des grandes exploitations agricoles, « l’entreprenariat agricole » et une plus grande libéralisation du secteur agricole et du marché.
Ainsi la pratique du métier devient de plus en plus ouverte aux capitaux puissant et nécessite une solide capacité d’investissement qui n’est pas à la portée des agriculteurs traditionnels qui sont des exploitants familiaux .
La mise en place de cette politique s’est effectuée à travers différents programmes qui servent de base à son application, notamment le Retour vers l’Agriculture (REVA) et la Grande Offensive pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA). Ces deux programmes lancés respectivement en 2006 et 2008 visent une production en grande quantité et sont orientés vers les produits susceptibles d’avoir un impact sur le marché mondial.

Au Sénégal, les promoteurs des ATGE sont de deux types : les promoteurs locaux et les investisseurs étrangers.
L’étude d’IPAR précitée dresse un tableau sombre d’attribution de grandes surfaces aux profits d’investisseurs privés (nationalités étrangères, nationaux non-résidents des communautés affectataires, hauts cadres de l’Etat et des autorités religieuses)

A titre d’exemple, dans la région de Kédougou, un investisseur privé espagnol a été attributaire de 80 000 ha dans les communautés rurales de Saraya, Tombronkoto et Bandafassi.

Dans la vallée du fleuve Sénégal, le groupe Forase groupe Foras a bénéficié de 100 000 ha pour la production de riz dans le cadre de son projet Agroglobe, 42 000 ha de terres (dont 36 000 destinées à la riziculture et à la polyculture et 6 000 ha à l’exploitation de biocarburants) ont été atrribués dans les communautés rurales de Ross-Béthio, de Mbane et de Diama pour la réalisation des objectifs de la GOANA. C’est aussi le cas dans la communauté rurale de Diama où il a été question de déclasser 1 800 ha sur les 2 290 ha de la forêt classée pour les affecter à des investisseurs privés, et à Ross-Béthio, toujours, 40 000 ha de terres ont été attribués à un milliardaire nigérian pour une plantation de la canne à sucre.

Dans la communauté rurale de Mbane, 232 208 ha ont ainsi été attribués à des personnalités de l’Etat alors qu’en réalité la superficie de la communauté rurale ne dépasse pas 190 600 (toutes catégories de terres confondues).
Un rapport de Land Matrix Africa , a révélé que 270 mille 908 hectares de terres arables ont fait l’objet de 18 transactions au profit d’investisseurs. Cette superficie représente 3% des terres arables au Sénégal, selon l’étude qui indique que les investisseurs étrangers ont été les mieux servis.
Sur les 18 investisseurs répertoriés par Land Matrix Africa, 12 sont européens (Italie, France, Roumanie, Pays-Bas), asiatiques (Inde, Arabie Saoudite) ou africains (Nigeria et Cameroun). Les Français, avec 9 représentants, arrivent en plus grand nombre. La société italienne Nuove Iniziative industriali Srl, détient la plus grosse part des terres, 55 hectares. Les nationaux, note le rapport, ne contrôlent que 10,5% des surfaces cédées en 2016.
La grande majorité des offres conclues concernent des baux (durée du bail entre 10 et 99 ans).

La production approvisionne le marché intérieur dans le cas de 10 transactions mais la plus grande part de la production est destiné à l’exportation.
Au vu de ces chiffres non exhaustifs du fait de l’opacité qui entoure les opérations, ces affectations représentent une part très importante des surfaces cultivables du Sénégal.
Quand on considère les autres menaces sur les terres cultivables dont la salinisation, l’érosion côtière, l’éboulement en sable dunaire, la pression démographique, cette situation soulève la question de l’impact du phénomène des ATGE sur l’agriculture paysanne, sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

III- Quel est l’état actuel des droits fonciers des femmes dans le contexte de la ruée vers les terres ?

Au Sénégal, à l’instar de la plupart des pays africains, les femmes sont principalement engagées dans l’agriculture et l’élevage, elles effectuent, souvent avec des moyens rudimentaires, près de 82,6% du travail contre 79,4% pour les hommes . Elles ne disposent pour autant que de 13% de la terre et ne reçoivent qu’1% des prêts alloués à l’agriculture ». N’étant pas propriétaires des terres qu’elles occupent, elles ne pourront ni y réaliser des investissements durables ni bénéficier de crédits bancaires consistants.
Dans la majore partie des localités du Sénégal, les pratiques patriarcales continuent de régir les relations sociales. Ces pratiques sont les principaux obstacles à l’amélioration des droits des femmes en matière de propriété foncière. Ce sont les hommes (chefs religieux, chefs de famille et chefs coutumières, incontournables dans la gestion foncière, qui sont dépositaires des valeurs qui légitimes la discrimination à l’égard des femmes) qui ont en charge l’administration du patrimoine foncier lignager.
Selon le droit foncier traditionnel, la place de la femme dans la gouvernance et le mode de transmission foncière est à l’image de sa relation avec un homme (frère, père ou mari) ainsi, la femme est toujours placée sous tutelle d’un homme -père, mari ou frère- pour accéder à la terre sous la forme de prêt ou don par le biais de ce dernier. Par conséquent, les droits fonciers des femmes découlent de lien de parenté avec un homme ou du mariage. Ainsi, si ces liens disparaissent, les femmes peuvent perdre leurs droits fonciers. Elles sont considérées comme des ayants droit secondaires, par l’intermédiaire d’un parent de sexe masculin .

Malgré que le code de la famille sénégalais protège les droits de la conjointe survivante à l’héritage , en matière foncière ce sont les systèmes traditionnels qui dominent et ces derniers excluent les femmes de l’héritage foncier.
Mais Les coutumes relatives aux pratiques d’héritage changent d’une ethnie à l’autre. Les femmes, épouses ou filles n’héritent généralement pas des terres. Les filles sont supposées quitter leur lignage d’origine pour se marier et gagner le droit d’accès à la terre appartenant à la famille du mari .

L’exclusion des femmes de l’héritage foncier empêcherait, au moment du mariage, la dissémination des biens fonciers hors de la famille patrilinéaire. L’exclusion des femmes serait aussi un moyen de préserver l’unité, la cohésion du lignage. Elle permet de conserver son caractère patrimonial à la terre .
Dans ses études réalisées dans la vallée du fleuve Sénégal, le MCA a procédé à un « inventaire de l’occupation et des droits sur les terres. »

Dans le département de Podor, les ayants droits (tous types de droits confondus) font état de 80,6% d’hommes et 19,4% de femmes. Les superficies occupées par les hommes sont plus importantes que celles exploitées par les femmes, avec respectivement 89,4% et 10,6%. La superficie moyenne par homme (6,9 ha) est deux fois supérieure à la superficie par femme (3,4 ha) .
Pourtant, le cadre législatif interdit toute forme de discrimination envers les femmes. Les textes en vigueur donnent ainsi aux femmes des droits d’accès à la terre égaux à ceux des hommes , mais il faudrait aussi noter que les croyances coutumières prévalent même au niveau des institutions locales officielles chargées de l’application des lois qui en principe devraient bannir toutes ces formes de discriminations.

De nombreuses études ont montré que les barrières résident aussi dans la méconnaissance par la grande majorité des femmes, des lois qui pourraient leur permettre de faire valoir leurs droits. Selon l’ouvrage du GESTES de l’UGB, 81% des femmes ne connaissent pas la loi sur le domaine national qui régisse les terres à vocation agricole et même lorsqu’elles connaissent la législation, elles n’osent pas remettre en cause les règles sociales, en particulier les rapports entre hommes et femmes . Une situation qui montre que « les barrières sont donc au niveau des représentations et sont culturellement enracinées ».

IV- Les acquisitions foncières à grande échelle, un phénomène renforçant la fragilisation des droits fonciers des femmes

Les femmes sont particulièrement touchées par le phénomène de L’ATGE. En effet, leur occupation étant déjà fragilisée par des pratiques discriminatoires, elles peuvent se voir brusquement déposséder les terres qu’elles possèdent. De plus les femmes sont souvent exclues des négociations formelles et informelles locales et nationales sur l’usage des terres et les sommes qui peuvent leur être allouées à titre de compensation sont généralement moindres.

Pourtant, de nombreuses études ont montré le rôle des femmes dans le maintien d’une agroécologie préservant la biodiversité, le renforcement des cohésions sociales par leurs pratiques organisationnelles collectives. Dans certains pays d’Afrique, elles forment la majorité des chefs de famille et d’exploitation et jusqu’à 80 % de la production alimentaire repose sur elles .
Souvent, les femmes paysannes sont reléguées sur des terres marginales, moins productives. Mais ces terres sont aussi les premières concernées quand les pouvoirs publics ou des investisseurs extérieurs les convertissent en cultures pour l’exploitation de l’huile de palme à des fins d’exportation de carburant « propre » .

C’est ainsi qu’au Sénégal des stratégies et approches innovantes ont été recensées à travers le pays. Elles illustrent bien des actions développées allant dans le sens d’une prise en compte, de la protection ou de la promotion des droits fonciers des femmes face au phénomène de l’accaparement des terres.

V- Les stratégies de sécurisation et de promotion des droits fonciers des femmes face à la ruée vers les terres

1- L’application du système de quota pour l’accès des femmes au foncier
Le système de quota est une pratique qui consiste à allouer aux femmes un pourcentage sur les aménagements de terres à usage agricole.
Au Sénégal, il n’existe pas pour l’instant une réglementation spécifique du quota, mais il s’agit d’une bonne pratique appliquée par la SAED à la demande des partenaires et/ou des femmes.
Dans la vallée du fleuve Sénégal où le phénomène de l’ATGE est très dynamique, l’avènement de l’agriculture irriguée a un premier temps augmenté la valeur de la terre et dans un second temps ouvert la porte aux transactions foncières.

Ainsi, sont développées quelques stratégies pour faciliter l’accès des femmes à la terre.
Ainsi pour chaque aménagement sur fonds public un quota d’au moins 10% est alloué aux groupements de femmes lors de la redistribution des terres aménagées.

Ce système de quota a permis de corriger les inégalités entre hommes et femmes sur leurs droits d’accès à la terre. L’application de ce quota a en effet permis à des femmes qui, jusqu’ici, peinaient à accéder à la terre, d’en disposer et mener des activités agricoles.

En 1996, le village de Diawar situé dans la Commune de Diama (région de Saint Louis) a bénéficié d’un aménagement dans lequel le système du quota a été appliqué en faveur des femmes. L’aménagement de la cuvette de Diawar a été fait en 1996 et couvrait une superficie de 600 hectares. Dont les 10% ont été attribués aux femmes.
En 2008, un aménagement de 100ha qui a été réservés spécifiquement aux groupements de femmes dans le cadre du programme national d’autosuffisance en riz.

Selon la réglementation en faveur, l’accès à la terre est conditionné par la mise en valeur de la parcelle, sous peine d’une désaffection, ainsi pour éviter aux femmes de perdre leurs parcelles, la SAED procède à des mesures d’accompagnement au profit des femmes tel que l’accompagnement pour l’accès au financement auprès de la banque CNCAS, la mise à dispositions des équipements (motos pompes, des matériels agricoles, etc.) et des formations et des conseils réguliers pour la gestion des cultures.

2-L’appui pour la sécurisation foncière et à l’accès aux instances décisionnelles par l’expérience des projets
La référence à deux projets fera l’objet d’illustration : Projet « Droit foncier Egalité des chances » .

a-2- L’appui à la sécurisation foncière, expérience du Projet « Droit foncier Egalité des Chances
L’approche et la stratégie du projet Droit foncier a comporté trois volets :
L’alphabétisation fonctionnelle pour permettre aux femmes de pouvoir lire et écrire dans leur langue locale, la formation, sensibilisation et accompagnement et le troisième volet concernait l’encadrement en technique agricole et la mise à disposition des équipements. La finalité était de donner la possibilité à la femme de valoriser la terre après l’avoir aidé à l’a sécurisé, cela devra être précédé par l’éveil de conscience à travers les formations et les sensibilisations, et l’alphabétisation.

Pour valider la pertinence des activités proposées par le projet, une mission d’imprégnation des réalités locales de chaque zone a été effectuée et pour identifier les contraintes de l’accès des femmes au foncier et les opportunités d’alliances stratégiques.

Les activités qui ont été mises en œuvre étaient :
-  La formation de relais communautaires communément appelés Para-juriste et animatrices foncière en gouvernance et législation foncière, plaidoyer et technique de négociation qui vont porter certaines activités du projet ;
-  La tenue de campagnes de sensibilisation et d’information sur la législation foncière et les droits fonciers des femmes ;
-  La formation en techniques maraîchères et de transformation

Les para-juristes ont été choisies sur la base de leur niveau d’instruction, de leur volonté et engagement surtout de leur leadership au sein de leur localité. Ils ont, après, les activités de sensibilisation procéder à la sélection des bénéficiaires en identifiant les femmes exploitantes terriennes, ou propriétaires.

Les stratégies utilisées ont été :
-  Les causeries, les émissions radio, les visites à domiciles
-  La construction des alliances
-  La restitution avec les femmes dans les localités, plaidoyer auprès des chefs de village et des imams.
-  La visite auprès du Maire et du Sous-préfet.
-  Négociation entre les groupements de femmes et la collectivité locale qui s’engage à organiser une session de délibération des demandes des femmes issues du processus de négociation.
Plusieurs centaines de femmes (327 femmes) ont sécurisé leurs occupations avec l’appui du projet et à ont bénéficié d’accompagnement technique et d’équipement en matériels agricoles. En sus, le projet a permis une conscientisation des femmes sur leurs droits et un changement d’attitude des hommes qui ont fait preuve d’une bonne collaboration grâce aux sensibilisations, formations et la mobilisation des animatrices foncières .

b-2- L’accès des femmes à la terre par l’attribution collective

L’accès collectif par le biais des groupements féminins est l’une des stratégies utilisées par les femmes dans la plupart des localités du pays. Dans notre pays, c’est par le biais de leurs groupements que les femmes bénéficient davantage de droits fonciers formels à travers l’affectation de terre par le conseil municipal.

Ces dernières années, ce phénomène a davantage pris de l’ampleur, notamment en milieu rural où les groupements de femmes se comptent en millier. En effet, dans le but de promouvoir l’autonomisation des femmes dans l’agriculture et favoriser l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, cette mise en réseau des femmes est devenue même une condition sine qua non pour les femmes rurales afin de bénéficier d’accompagnement, d’accès à la terre et à l’eau.

Ce phénomène s’est accompagné du développement d’un leadership féminin, notamment horizontal capable, dans certaines zones, de mener le plaidoyer pour l’accès de leur groupement aux ressources et facteurs productifs .
En plus de leur permettre d’accéder aux ressources productives, à la terre et à l’eau, l’organisation en groupement peut aussi faciliter l’accès au financement et autres types d’accompagnement par des projets/programmes de développement.

L’accès collectif par le biais des groupements a indéniablement contribué à l’amélioration des droits fonciers des femmes, notamment pour certains groupements du Delta du Fleuve Sénégal où le phénomène est plus dynamique. Les résultats de l’enquête précitée d’IPAR ont montré que cet accès collectif a permis l’amélioration des revenus des femmes et de leur ménage à 59%, et l’amélioration de l’accès à la terre des femmes à 54%, une meilleure connaissance des bonnes pratiques culturales (36%), entre autres.

c-2- L’accompagnement pour l’accès des femmes aux instances de décision
Certes, on assiste à l’apparition timide des femmes dans la gestion des affaires publiques mais leur faible présence au niveau des instances de décision et dans les structures organisées ne crée pas encore une masse critique susceptible d’y défendre leurs intérêts.

Selon une étude réalisée en 2012 par l’Union des Associations des Elus Locaux du Sénégal, les femmes représentent 50,1% de la population sénégalaise et 60% d’entre elles travaillent en milieu rural où elles représentent 68% de la force de travail, mais on ne compte que 13 femmes maires sur un total de 557 communes. Pourtant, la légistaion sénégalaise notamment la Constitution garantit à l’homme comme à la femme l’égalité en droit et devant la loi sans distinction de sexe. Ainsi son Article 7 alinéa 4 dispose que : « ….. les hommes et les femmes sont égaux en droit, la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».

La loi sur la parité du 14 mai 2010, vient renforcer cette égalité en permettant aux femmes de siéger au même titre que les hommes dans les commissions locales de distribution des terres.

L’un des principaux défis à relever est sans conteste, celui du rôle des femmes comme dirigeantes, administrateurs et décideurs politiques. Car, c’est uniquement lorsqu’elles participent à l’élaboration, à la planification, à la formulation et à la mise en œuvre des politiques que leurs préoccupations et droits seront pris en considération.

Compte tenu du rôle traditionnellement limité des femmes dans les processus de prise de décision, des processus d’intégration des femmes sont testé à travers l’expérience des commissions domaniales élargies et le développement du leadership féminin qui a permis l’investiture des femmes de développement lors des élections locales de 2014 et leur élection en qualité de conseillères municipales

La Commission domaniale est le bras technique de la Commune en matière foncière. Elle est chargée, à chaque fois que des demandes d’affectation de terre sont reçues, de fournir au Conseil toutes informations sur le site à affecter, les capacités de mise en valeur des demandeurs.
L’expériences des commissions domaniales élargies a permis aux femmes d’intégrer ces instances où elles naturellement exclues. Ces commissions sont ouvertes aux représentants des groupements de femmes, de jeunes, aux acteurs de la société civile locale.

CONCLUSION

Des dispositions législatives et constitutionnelles sont adoptées pour lever les contraintes et juguler les injustices à l‘égard des femmes, mais leur effectivité est constamment remise en cause.
Ainsi, il apparaît que la problématique de l’effectivité des droits fonciers des femmes au Sénégal est très complexe mais surtout très enserrée dans des logiques traditionnelles.

Cette situation foncière de la femme est exacerbée par le phénomène de l’ATGE.
Des solutions pratiques et concrètes qui ont commencé à montrer des résultats sont menées pour une meilleure équité de genre dans la répartition des ressources.
Cependant la synergie d’action des acteurs et l’implication de l’Etat pour une application effective des textes et orientations politiques constituent des domaines à consolider.

REMERCIEMENTS

Ce travail est le fruit des efforts et encouragements de plusieurs personnes sans lesquelles il n’aurait pas pu être achevé.
Ainsi, nous adressons nos sincères remerciements à l’Initiative Agricole et Rurale (IPAR) à travers la personne de son Directeur Exécutif Cheikh Oumar BA, de m’avoir accordé un cadre de travail me permettant d’effectuer convenablement mes recherches.
Nos sentiments de gratitude s’adressent aussi particulièrement au Dr Oumoul Khaïry COULIBALY et au Professeur Ibrahima DIALLO, mon Directeur de Thèse, qui, malgré, leurs multiples occupations ont accepté de contribuer à la réalisation de ce travail.
A tous ceux qui ont participé de loin comme de près à la réalisation de ce travail et dont les noms n’apparaissent pas, trouvent ici le sentiment de mes gratitudes.

TERMES CLÉS ET DÉFINITIONS

Accès : L’accès, c’est ce qui permet d’accéder à un lieu, à une situation, etc. Dans cet article, l’accès renvoie à la possibilité, voire la facilité de disposer et d’utiliser la terre.
Acquisition des terres à grande échelle : désigne l’acquisition controversée de grandes surfaces de terres agricoles auprès des pays en développement, aux profits d’investisseurs privés (nationalités étrangères, nationaux, hauts cadres de l’Etat et des autorités religieuses). L’acquisition de terres comprend la prise de possession ou le contrôle d’une parcelle de terre qui est disproportionnée comparativement à la dimension des propriétés foncières dans une région donnée.
Foncier : le foncier renvoie à la ressource terre qui est une source de richesse, de statut social et de pouvoir. Elle assure le logement, la nourriture, supporte les investissements agricoles et constitue la principale source d’emploi dans les régions rurales du monde.
Sécurisation  : la sécurisation est l’assurance que les droits dont on dispose, quelle que soit leur nature, ne seront pas contestés et que, s’ils le sont, ils seront confirmés par la justice.
Stratégie : la stratégie est un « ensemble d’actions coordonnées, d’opérations habiles, de manœuvres en vue d’atteindre un but précis, elle désigne l’orientation de toutes les actions menées afin d’attendre un objectif donné

  • RÉFÉRENCES

  • Boche, M. et Ward, A., 2014. Acquisitions foncières à grande échelle et restructurations agraires. Comité Technique « Foncier et Développement ».
  • Centre Ressources pour la Coopération Décentralisée et la Solidarité Internationale en Basse-Normandie - Plateforme SENEGAL, Lettre N°5 mai 2011, http://wwwmatierespremieresafricainescom.e-monsite.com/www-mpasa-tk/pages/senegal.html, 4 Sept 2019
  • Comité technique « Foncier et Développement », 2014, octobre, Guide d’analyse ex-ante de projets d’investissements agricoles à emprise foncière, 81 pages.
  • Consortium, Union Africaine, Banque Africaine de Développement et Commission Economique de l’Afrique, Addis-Abeba, 2010, Cadres et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique, Ethiopie.
  • COPAGEN (Coalition pour la Protection du Patrimoine génétique Africain), 2016, Etude lancée dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest afin de procéder à un inventaire du phénomène ATGE, Le rapport de l’étude est disponible http://redtac.org/souverainetealimentaire/projets-en-cours/acquisition-massive-de-terres-en-afrique-de-louest/, 2 août 2019
  • Enda Pronat, 2011, Recherche action participative « Amélioration et sécurisation de l’accès des Femmes au foncier au Sénégal » Rapport de recherches financé par le CRDI
  • EndaPronat, 2017, mai, Rapport de recherche : « Analyse et mise en perspective de deux systèmes de production », 153p
  • Enda Pronat, 2015, Capitalisation de l’expérience 2011-2015 d’Enda Pronat à Guédé (Sénégal) sur la promotion des droits des femmes dans les Niayes et le Fouta, décembre
  • EndaPronat, 2017 : « Analyse et mise en perspective de deux systèmes de production » Mai, 153 p.
  • Etat du Sénégal, 2012, Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (2013-2017) page 04, 72 pages, octobre
  • Etat du Sénégal, Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), 2008, et le Plan Retour vers l’Agriculture (Plan REVA), 2006,
  • Faye I.M., Benkahla A., Touré O., Seck S.M., Ba C.O., 2011, Les acquisitions de terres à grande échelle au Sénégal : description d’un nouveau phénomène, Initiative Prospective Agricole et Rurale, 45 pages
  • Genre en action : Femmes et environnement : les enjeux des inégalités de genre 31p, http://www.egalte-infos
  • GESTE, 2012, Sénégal : les femmes rurales à l’épreuve d’une citoyenneté foncière, mars financé par le CRDI
  • GESTE, 2010, Rapport de recherche sur « Stratégies pour un accès sécurisé des femmes au foncier au Sénégal, financé par l’USAID, page 6
  • IPAR, 2019, « Promotion d’une gouvernance foncière inclusive par une amélioration des droits fonciers des femmes au Sénégal » Rapport de l’étude de base du projet de recherche-action, octobre, financé par le CRDI. Octobre
  • Land Matrix, 2016, « Les acquisitions foncières à grandes échelles au Sénégal
  • Travaux du MCA/Sénégal concernent 9 collectivités locales de la région de Saint Louis
  • (7 Communautés Rurales et 2 Communes) dont 4 dans le delta et 5 dans le département de Podor, citée par CONGAD, dans le cadre du « Projet de renforcement des capacités des ONG/OCB pour l’amélioration de l’accès à la terre et à la sécurisation foncière en zone rurale au Sénégal » www.congad.org
  • Union Africaine, Banque Africaine de Développement et Commission Economique de l’Afrique, 2010, Cadres et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique, Addis-Abeba, Ethiopie
  • Union africaine, Groupe de la Banque africaine de Développement et Commission Économique pour l’Afrique, 2014, Principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique.
    http://www.oxfam.org/fr/news/2007/pr071019_developpement_rapport_monde

Auteur :
Nom : Ndéye Yandé NDIAYE
Affiliation institutionnelle : Université Gaston Bergon de Saint Louis du Sénégal/ Centre de recherche NELGA francophone
Courriel : ndiayemameyande@gmail.com
Numéro de portable : (+221) 77 525 72 00