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Les chercheurs du monde réfléchissent sur les scenarii d’adaptation.

Publié le 23 février 2016

les chercheurs du monde réfléchissent sur les scenarii d’adaptation de l’impact des changements climatiques sur l’agriculture a l’horizon 2050.

Les changements climatiques vont avoir des impacts négatifs sur l’agriculture à l’échelle mondiale et risquent, d’ici à l’horizon 2050, de diminuer les rendements agricoles. Plus d’une centaine de chercheurs d’Afrique, d’Amérique, d’Europe et d’Asie sont en conclave à Dakar du 22 au 27 février pour organiser la riposte, réfléchir sur les modélisations et les réponses à apporter à ce phénomène d’envergure mondial. Cette rencontre internationale est organisée dans le cadre du projet d’inter comparaison et d’amélioration des modèles agricoles (AgMIP) par l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) et l’International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT).

Dakar est la capitale du monde, du moins des chercheurs pour organiser la riposte aux impacts négatifs des changements climatiques dans l’agriculture à l’échelle mondiale d’ici à l’horizon 2050. Depuis hier, lundi 22 et ce jusqu’au 27 février, plus d’une centaine de chercheurs du monde entier sont en conclave au Sénégal pour réfléchir sur les réponses à apporter aux impacts des changements climatiques dans l’agriculture. Cet atelier international organisé par l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) et l’International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT) rentre dans le cadre de la deuxième phase du projet d’inter comparaison et d’amélioration des modèles agricoles (AgMIP).

LES CHERCHEURS FACE AU DEFI DES TEMPS

Ce projet, démarré il y a trois ans dans sa première phase, met à contribution plus de 200 chercheurs de 18 pays répartis dans 7 équipes régionales de recherche qui travaillent pour trouver des solutions adéquates face à ce fléau mondial des temps modernes. Cynthia Rosenzweig, Investigateur principal du projet AgMIP, a souligné l’importance de la dissémination des différentes équipes de recherche qui travaillent dans les zones rurales, dans les différents continents, dans le cadre de ce projet d’envergure international.

Pierre Sibiry Traoré embouche la même trompette. « C’est un projet qui implique un certain nombre d’équipes de recherche en Afrique Subsaharienne et également en Asie du Sud et qui a pour objet, de manière générale, de quantifier les impacts des changements climatiques sur le secteur agricole et également de quantifier les bénéfices des différentes options d’adaptation pour permettre aux agriculteurs de faire face à ces changements », a signalé Pierre Sibiry Traoré, ICRISAT Mali.

Il est appuyé par Ibrahima Hathie, Directeur de la recherche à l’IPAR, qui explique les raisons d’apporter des réponses adéquates aux changements climatiques pour aider les producteurs à produire. « Dans la deuxième phase nous sommes entrain de travailler sur les questions d’adaptation pour voir quels genres de réponses mettre en place pour qu’on puisse aider les producteurs à pouvoir produire, sinon annihiler l’impact de ces changements climatiques qui est perçu comme un changement négatif dans les années à venir », a-t-il laissé entendre. Les chercheurs sont unanimes à reconnaître que les changements climatiques vont forcément avoir des impacts négatifs sur les rendements agricoles en 2050.

BAISSE DES PRODUCTIONS A L’HORIZON 2050

Ibrahima Hathie, Directeur de la recherche à l’IPAR, qui a travaillé dans l’équipe CIWARA de l’Afrique de l’Ouest, donne ici l’exemple de Nioro où il est intervenu. « Si je prends l’exemple du Sénégal, à Nioro, nous nous sommes rendu compte que la pluviométrie va baisser dans les années 2050, la température va augmenter entre 1,7° et 2,3°C. Donc une augmentation notable va s’opérer. Et la conséquence est que la plupart des rendements vont baisser aussi bien pour le mil que pour l’arachide. Donc les conséquences, du point de vue climatique, peuvent être très importantes », soutient-il.

LES CONSEQUENCES SOCIOECONOMIQUES

La baisse des rendements agricoles va avoir des conséquences socioéconomiques incommensurables en milieux rural et urbain. Ce sera la porte ouverte à l’exode rural. Pierre Sibiry Traoré d’ICRISAT Mali en est convaincu. « On peut penser notamment au fait qu’avec l’augmentation de la population au Sénégal et dans d’autres pays, il va y avoir encore un renforcement de l’exode rural qui va faire que de plus en plus de personnes vont quitter les secteurs de production primaires de l’agriculture pour aller chercher d’autres emplois, en milieu urbain en particulier », dit-il.

Mais les dégâts peuvent ne pas se limiter à ce niveau seulement. En effet, les changements de préférence alimentaire des populations dans les années à venir pourront également déstructurer l’environnement socioéconomique. « La nature de la production agricole va changer dans les années à venir parce que les préférences alimentaires des gens vont changer. Les gens ne seront peut-être plus intéressés à manger du sorgho ou les cultures traditionnelles, mais ils vont peut-être plutôt manger, comme aujourd’hui, du pain au petit déjeuner parce que par le passé on mangeait de la bouillie ou d’autres préparations », explique-t-il.

Il sera alors nécessaire, en ce moment précis, de comprendre certaines choses. « On a besoin de comprendre toutes ces tendances et c’est l’objet de ce que nous allons discuter lors de cet atelier. C’est de voir comment les tendances technologiques et socioéconomiques s’intègrent également avec les changements du climat », poursuit le chercheur.

Pour comprendre les différentes situations au plan mondial et travailler sur des scénarii à mettre en œuvre pour apporter des réponses aux changements climatiques, ce projet envisage, en collaboration avec tous les acteurs et décideurs, de proposer des solutions, en vertu des résultats de recherche trouvés sur le terrain. Ce projet de recherche pluridisciplinaire d’envergure mondiale est piloté par des chercheurs américains spécialistes du climat, de la modélisation des cultures et de la modélisation économique. Au Sénégal, Nioro est la zone choisie dans le cadre du projet.

LE CAS DU DEPARTEMENT DE NIORO

Selon Pierre Sibiry Traoré, le choix de Nioro est quelque chose de circonstanciel. « Le choix de Nioro est un peu circonstanciel. Nioro, d’abord, fait partie du vieux bassin de production arachidière du Sénégal. C’est une région agricole historiquement importante pour le pays. Et, à ce titre, elle a reçu l’attention de différents partenaires et missions par le passé, notamment une mission d’évaluation de la Banque mondiale qui a eu lieu dans les années 2007-2008 », nous apprend-il.

Avant de renchérir : « ce projet avait pour objet de collecter des informations de référence sur le bien-être et les conditions économiques et sociales des populations. A cette occasion, ils ont eu à collecter toutes les informations socioéconomiques qui sont nécessaires pour paramétrer les modèles avec lesquels on travaille et notamment pour comprendre dans quel contexte on doit développer des scénarii de développement qu’on appelle les trajectoires de développement agricoles représentatifs ».

Il révèle, par la même occasion, qu’ils vont développer des schémas pour voir comment les producteurs vont s’adapter au milieu du siècle en cours. « Nous avons aussi pour objectif, durant cet atelier, de réviser les scénarii, les trajectoires de développement agricole représentatives avec les différents partenaires pour savoir si elles reflètent bien comment les agriculteurs vont produire au milieu du siècle dans lequel nous sommes parce que nous nous intéressons, en priorité, à la période 2040-2069 », souligne-t-il.

Le chercheur sénégalais Ibrahima Hathie n’a pas dit le contraire. « Nous avons travaillé sur la zone de Nioro et nous sommes fondés sur des résultats d’études qui ont été faites. C’est des données de la Banque mondiale sur lesquelles IPAR avait travaillées en 2007 et en 2008. Et sur la base de ces données nous avons essayé de faire ces modélisations », évoque-t-il. « Nous sommes allés jusqu’à Nioro pour travailler avec les parties prenantes et voir quelle est leur vision de ces changements, les agriculteurs mais aussi les décideurs locaux, les organisations paysannes. Nous les avons réunis pour voir comment ils voient ces perspectives. Ceci nous permet de faire des propositions d’adaptation pour faire face à ces changements », précise le directeur de la recherche à IPAR.

LES SOLUTIONS PROPOSÉES PAR LA RECHERCHE

Ibrahima Hathie est serein par rapport aux solutions qui peuvent être apportées par la recherche. Pour lui, la modélisation est une piste non négligeable. « Ce que nous faisons, du point de vue de la recherche, c’est de confronter différents modèles, les modèles climatiques, les modèles de culture et aussi les modèles économiques pour pouvoir bien comprendre, en terme de prévision, comment les choses vont se passer dans le futur », nous apprend-il.
Toutefois, il émet quelques réserves par rapport à la précision du système de modélisation. « Ce n’est pas facile, car il y a beaucoup d’incertitudes dans la modélisation. Donc la première tâche est de travailler sur ça. La deuxième est de s’approcher des décideurs, des différentes parties prenantes pour évaluer leur compréhension de ces changements et la manière dont ils vont les affecter. En plus de cela, nous voulons voir les tendances globales, notamment les tendances sur les prix au niveau international, réunir tout cela pour réfléchir sur les adaptations », dit-il.

DE LA NÉCESSITE DE COLLABORER AVEC LES DÉCIDEURS

Pour Ibrahima Hathie, l’implication des décideurs politiques est une condition sine qua non pour la réussite des réponses à apporter aux changements climatiques. « Une fois que nous avons tous les scénarii sur les adaptations, nous les partageons avec les décideurs afin qu’ils puissent prendre les devants. Par exemple, s’il est nécessaire de développer des variétés qui s’adaptent à une hausse de température, à une réduction de la pluviométrie. Cela permettrait aux décideurs de faire des choix qui sont pris maintenant et qui pourront avoir un impact positif dans le futur », souligne-t-il. Ce qui lui fait remarquer que « la collaboration avec les décideurs est fondamentale, car étant au début et à la fin de tout le processus ».

D’ailleurs, signale-t-il, il existe dans les différentes équipes de recherche réparties selon les zones géographiques naturelles « des personnes qui sont spécialisées dans les liens entre chercheurs et décideurs afin que les réflexions prennent en compte ce que les décideurs pensent au début, mais prennent aussi en compte les options politiques et tout ce que toutes les parties prenantes pensent et veulent ». L’impact économique n’est pas occulté par Ibrahima Hathie. Il souligne, à cet effet, que « l’analyse porte sur l’impact sur les revenus et l’impact sur la pauvreté ». Tous ces éléments, leur permettront de proposer des solutions. « Il est évident que quand on parle de changements climatiques, les effets sont beaucoup plus larges et touchent même les populations urbaines », rappelle-t-il. Il faut signaler que le projet AgMIP est financé par plusieurs bailleurs dont le principal est DFID qui finance la partie Afrique Subsaharienne et Asie. Les études menées dans la zone de l’Afrique Subsaharienne, au sein de l’équipe CIWARA, ont concerné, ces trois dernières années, Nioro au Sénégal, Koutiala au Mali et Navrongo au Ghana. L’atelier prend fin samedi prochain à Dakar.

Source : http://www.sudonline.sn/les-chercheurs-du-monde-reflechissent-sur-les-scenarii-d-adaptation_a_28611.html