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Financements du Plan Sénégal Emergent( PSE) Après le jackpot, place au suivi…

Publié le 2 juin 2014

On le sait, pour le financement de son Plan Sénégal Emergent (Pse), le gouvernement était allé chercher auprès de ses bailleurs de fonds du groupe Consultatif de Paris, une somme de 1853 milliards de francs cfa.
Eh bien, il a récolté 3729 milliards fcfa, c’est-à-dire beaucoup plus que ce qu’il voulait ! Après avoir suivi les tractations de ces grandes assises de l’économie sénégalaise organisées au siège de la Banque Mondiale et à la Chambre de Commerce de Paris, notre envoyé spécial Pape Ndiaye tente d’analyser cette belle maquette conçue et réalisée par le président Macky Sall pour des lendemains qui chantent au Sénégal…

Le Sénégal, en dépit d’une crise mondiale persistante, reste mieux loti que de nombreux pays de la sous-région. Outre sa position géographique stratégique, notre pays, sous l’ère du président Macky Sall, est resté profondément démocratique et politiquement stable. Le tout sous la bannière d’une nouvelle politique de bonne gouvernance. Il réunit donc tous les atouts pour que les investisseurs viennent y mettre leurs billes en toute sérénité. D’ailleurs, ces atouts, le président de la République les a agrégés pour concrétiser sa vision à travers son Plan Sénégal Emergent (Pse).

Lequel Plan pose les bases d’une croissance durable de 7 % par an à compter de 2017. Un taux de croissance ambitieux qui va certainement conduire notre pays à l’émergence économique dans une vingtaine d’années, c’est-à-dire à l’horizon 2037. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a ciblé six secteurs économiques à fort potentiel que sont l’agriculture et l’agroalimentaire, l’habitat social, la modernisation de l’économie sociale, les mines, l’industrie et le tourisme. Si l’éducation et la science ne font pas partie des secteurs ciblés, c’est parce que la performance du Sénégal dans le domaine d’exportation de produits de technologie est presque nulle voire inexistante. Face aux produits de nouvelles technologies et l’information et de la communication (Ntic) devenus la chasse gardée des pays asiatiques, américains et occidentaux d’une manière générale, on voit mal comment le Plan Sénégal Emergent (Pse) pourrait convaincre les investisseurs de venir mettre leur argent dans ce secteur complètement dominé par l’importation (téléphones, ordinateurs, téléviseurs etc.).

Voulant convaincre dans des secteurs où le Sénégal a des avantages comparatifs certains, le Pse a consacré ses efforts essentiellement dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour pouvoir convaincre les investisseurs étrangers. Et ce parce que l’économie nationale repose principalement sur le secteur de l’agriculture qui occupe plus de 60 % de la population active. En dehors d’un climat océanique très favorable et propice aux cultures de contre-saison (littoral, vallée du fleuve Sénégal), l’avantage de notre pays s’explique également par sa position géographique par rapport aux marchés d’exportation comme l’Europe et les Usa. La pêche est aussi un domaine stratégique pour le développement et la lutte contre la pauvreté puisqu’elle constitue un élément essentiel pour la croissance économique voulue et décidée par le Pse. Mieux, elle contribue à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois tout en favorisant l’entrée de devises étrangères par le biais des exportations et des accords de pêche. C’est pourquoi, d’ailleurs, durant toutes les opérations de charme menées à Paris, artisans et orfèvres de ce gigantesque plan dit Pse ont mis l’accent sur le fait que nos cotes sont considérées comme les plus poissonneuses et productives du monde. Voilà ce qui peut justifier, entre autres, l’intérêt des investisseurs pour les secteurs de l’agriculture, l’agroalimentaire et de la pêche au Sénégal. Et si les partenaires officiels et privés du Groupe consultatif ont manifesté leur intérêt pour investir dans ces domaines, c’est parce que les nationaux sénégalais ont failli ! Ce pour ne pas avoir investi de façon optimale dans leur pays à fort potentiel agricole.

À preuve, jusqu’à présent, le Sénégal peine à atteindre l’autosuffisance en matière de riz local. Donc en raison d’une faible compétitivité de son agriculture, de son élevage etc., ils étaient nombreux les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs et les horticulteurs européens à manifester leur volonté de venir combler ce vide « national » et appuyer le Pse dans ces secteurs clés que sont l’agriculture et l’agro-alimentaire ainsi que la pêche. Des secteurs à moderniser afin qu’ils répondent aux normes internationales de l’exportation ! Car, aucun pays au monde ne peut se développer sans l’exportation — à défaut de la transformation — de ses produits de base. Et durant les différents forums sectoriels organisés au Groupe Consultatif de Paris, les grands industriels présents ont tenu à rappeler aux autorités sénégalaises que l’exportation des produits nationaux est une filière incontournable pour un Sénégal émergent. Pour prouver que le gouvernement ne s’est pas trompé dans sa stratégie d’industrialiser le Sénégal de demain, les futurs investisseurs du Pse ont expliqué que les exportations de marchandises des pays en développement ont progressé de plus de 20 % ces dix dernières années soit un taux de croissance presque trois fois plus élevé que la moyenne mondiale. Et plus vite que le commerce mondial !

Sur les 3729 milliards fcfa du jackpot décroché sur les rives de la Seine, l’habitat social occupait un toit très important ! Et au vu de l’excellente moisson, il y a de quoi provoquer un sourire d’espoir chez les nombreux « goorgorlous » en quête de logement social. Bien que soulagés par la baisse des loyers intervenue récemment, les Sénégalais nourrissent toujours l’espoir de devenir propriétaires de leurs logements et de se soustraire des griffes des bailleurs ! Ils peuvent en nourrir raisonnablement l’espoir avec l’engagement de nombreux partenaires officiels et privés à investir dans l’habitat social. Pour les pousser à venir bâtir au pays des courtiers et spéculateurs fonciers sans vergogne et des promoteurs immobiliers sans pitié, le Plan Sénégal Emergent (Pse) a partout présenté la belle maquette immobilière de l’habitat social au Sénégal. Allant de la cartographie du secteur aux perspectives, l’offre de logements est nettement inférieure à la demande d’habitations clés en main et de parcelles viabilisées. Dans l’espoir de « cimenter » les bâtisseurs du Groupe Consultatif de Paris, le gouvernement du Sénégal leur a expliqué que le Sénégal connaît une croissance de l’urbanisation de l’ordre de 3,3 %, supérieure à la croissance de la population qui est de 2,6 %. Pendant ce temps, la population urbaine estimée à 43 % va suivre la tendance mondiale haussière. Cette tendance, ont souligné les architectes du Pse face aux investisseurs, va faire augmenter la demande en logements sociaux pour la porter entre 10.000 et 15.000 villas alors que l’offre ne dépasse guère 5.000 unités par an. Une belle opportunité à saisir pour hommes d’affaires à la recherche de créneaux porteurs ! Seulement en toile de fond, ou « toit de fond » si vous voulez, le problème du Sénégal reste la spéculation foncière et la corruption orchestrées et entretenues par les services de l’urbanisme, les communes d’arrondissement et les communautés rurales. Donc, toute une chaîne maffieuse bornée par le chantage foncier qui peut décourager tout investisseur étranger ! À l’endroit des investisseurs, le président Macky Sall a rassuré fermement son monde tout en déclarant que le Pse, il en fait son affaire personnelle. Il a assuré qu’il n’hésitera pas à punir toute personne qui tenterait de soutirer de l’argent frauduleusement ou illégalement aux futurs partenaires du Sénégal. De quoi rassurer investisseurs et bâtisseurs du Groupe Consultatif de Paris dans le domaine de l’habitat social. Mieux, le gouvernement a décidé de prendre une mesure essentielle pour les accompagner : la facilitation de l’accès aux réserves foncières.
C’est pour cela qu’ils sont très nombreux, les sociétés et promoteurs immobiliers à avoir promis de s’engager dans l’habitat social avec des logements aux prix très compétitifs. Et tant pis pour les nationaux !

En invitant au Groupe Consultatif l’ancien président John Kuffuor, le président Macky Sall a sans doute pris exemple sur le modèle ghanéen. Comme le Sénégal, en effet, le Ghana est devenu un pays politiquement et stable et paisible. Une démocratie majeure. D’où ses grandes chances d’atteindre l’objectif de l’émergence. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux ainsi que les partenaires privés internationaux ont tous salué les performances du Ghana comme un nouveau modèle de réussite économique en Afrique. Et ce alors que jusqu’à il y a deuxdécennies à peine, ce pays se distinguait par des coups d’Etat et des exécutions sommaires. S’il a réussi cette performance, pourquoi pas le Sénégal dont l’avancée démocratique n’est plus à prouver ! En adoptant un nouveau modèle de développement pour accélérer sa marche vers l’émergence, notre pays a élaboré un vaste programme très ambitieux dit Pse pour un décollage économique et social à grande vitesse ! Certes, le défi est grand pour y parvenir quand on sait que tous les clignotants sont encore au rouge dans notre pays ! D’abord, le Sénégal a vivement ressenti les répercussions de la crise mondiale avec la hausse des denrées de première nécessité importées. Il y a ensuite les sérieuses difficultés macroéconomiques marquées notamment par la disparition de l’industrie sénégalaise, les usines et entreprises survivantes peinant à se moderniser pour faire face au marché mondial de l’exportation. Cela dit, durant les assises de Paris, tout le monde s’est accordé à reconnaître que le meilleur atout du Sénégal, en dehors de sa position géographique privilégiée et de sa stabilité politique, c’est son capital humain !

Et c’est là que les maîtres d’œuvre du Pse doivent encore faire valoir leurs compétences comme ils l’ont fait à Paris pour obtenir la concrétisation de tous ces engagements financiers. Ce qui demande l’installation d’un Groupe de Suivi du Groupe consultatif regroupant tous les ministères et agences de l’Etat. Seulement, rien ne peut se faire sans sonner la rupture d’avec les mauvaises habitudes au niveau de l’administration sénégalaise où le manque de ponctualité de certains ministres de la République et directeurs de sociétés nationales, sans parler du laxisme de leurs agents et subordonnés, fait défaut ! Or, aux yeux des bailleurs et investisseurs « toubabs », un tel manquement administratif ne se pardonne pas ! Il est également souhaitable que les engagements et les conclusions du Groupe Consultatif pour le Sénégal à Paris soient partagés avec l’ensemble des hauts fonctionnaires et agents publics ou privés n’ayant pas pris part à la rencontre de la capitale française. Il fait enfin faire en sorte que les projets du Plan Sénégal Emergent ( Pse) et les domaines d’investissements des partenaires soient parfaitement pris en compte par l’ensemble des cadres et agents de chaque institution administrative. Entre autres, si nos ressources humaines combinent leurs efforts et leurs compétences pour l’intérêt national, nous sommes convaincus que le Sénégal sera émergent de manière précoce, c’est-à-dire avant même 2037 comme l’aurait souhaité le président Macky Sall.

De notre envoyé spécial à Paris, Pape Ndiaye

Article paru dans « Le Témoin » N° 1155 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2014)